La Corse, cette île qui ne se laisse pas faire

Ah, la Corse ! Entre mer turquoise, montagnes sauvages et habitants au franc-parler légendaire, l’île de Beauté porte bien son nom. Mais derrière ses paysages de carte postale se cache une histoire mouvementée, une culture singulière et une identité plus résistante qu’un sanglier sur le GR20.

Une île envahie mais jamais soumise

La Corse, c’est un peu le Game of Thrones version méditerranéenne : des invasions, des alliances, des trahisons, des seigneurs locaux pas toujours très commodes et une lutte constante pour garder la main sur une île aussi belle que stratégique. Après la chute de l’Empire romain, les envahisseurs se succèdent : Vandales, Byzantins, Ostrogoths, Lombards… Bref, tous ceux qui avaient un bateau semblaient vouloir y faire escale. Résultat ? Une population qui apprend vite à se méfier et à se replier dans les montagnes, un réflexe toujours bien ancré.

À partir du VIIIe siècle, l’île passe sous la protection du Pape, ce qui n’empêche pas les Maures de venir y semer le trouble. Puis viennent les Pisans (XIIe siècle) qui, entre deux bastides, laissent quelques jolies églises romanes. Ensuite, Gênes prend le relais pour cinq siècles, mais avec un détachement qui frôle le ghosting territorial. Résultat : anarchie, révoltes, peste et gestion par… une banque (la Banque Saint-Georges). Imaginez si aujourd’hui la BNP gérait la Bretagne. Bizarre, non ?

Mais l’histoire corse prend un tournant décisif au XVIIIe siècle, quand Pascal Paoli proclame la République corse. Ce philosophe éclairé, admiré par Voltaire, dote l’île d’une constitution démocratique avant de se faire taper dessus par les troupes françaises en 1769. Ce sera le début de l’annexion par la France. Et dans la foulée, un petit gars naît à Ajaccio : Napoléon Bonaparte. Ironie du sort, non ? Celui qui allait régner sur l’Europe venait d’une île qui voulait s’en affranchir.

Aujourd’hui encore, ce passé rebelle se ressent dans le cœur (et parfois le bulletin de vote) des Corses. L’histoire y est partout : dans les statues, les noms de rues, les chansons… et les revendications.

Drapeau de la Corse, adopté en 1755 par Pascal Paoli comme emblème de la Corse - César Culture G.
Drapeau de la Corse, adopté en 1755 par Pascal Paoli comme emblème de la Corse,

Parce que la Corse, c’est une culture à part entière

Vivre en Corse, c’est appartenir à un monde où la parole donnée vaut contrat, où l’honneur se défend jusqu’au bout, et où la famille ne se choisit pas… mais reste toujours dans les parages (surtout pour le figatellu). La culture corse, c’est un art de vivre qui fleure bon le maquis, avec un soupçon de fierté et une louche de traditions.

Commençons par la musique : les paghjelle, ces chants polyphoniques à trois voix masculines, résonnent dans les églises, les villages, et parfois même dans les rades les soirs de fête. Classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, ils sont à la fois prière, mémoire et preuve que, même en chantant, les Corses aiment bien faire les choses entre eux.

Côté gastronomie, on est loin de la salade niçoise : ici, c’est coppa, lonzu, brocciu, canistrelli, et miel AOP. Le tout arrosé d’un vin local ou d’un petit cap corse bien tassé. Même le cochon est élevé dans les châtaigneraies, et finit en poésie gastronomique. L’identité corse se savoure, littéralement.

Les traditions religieuses sont elles aussi bien vivantes : la procession du Catenacciu à Sartène est à la religion ce que Tarantino est au western : intense, dramatique et visuellement marquant. La spiritualité corse mêle catholicisme et légendes païennes. Oui, on croit encore aux mazzeri, ces êtres mystérieux qui annoncent la mort en rêve. Ambiance.

Ajoutez à cela une langue régionale bien vivante, le corse, parlée, chantée et enseignée avec fierté. Ce n’est pas un simple dialecte, c’est une déclaration d’amour à l’île… ou une mise en garde, selon le ton. Bref, la culture corse, c’est du solide, du sonore, et du sincère.

Le Ludareddu est une fête traditionnelle porto-vecchiaise qui a lieu chaque année dans la nuit du 31 juillet à Porto-Vecchio, en Corse - César Culture G.
Le Ludareddu est une fête traditionnelle porto-vecchiaise qui a lieu chaque année dans la nuit du 31 juillet à Porto-Vecchio, en Corse

Tourisme, environnement et revendications : la Corse d’aujourd’hui

Aujourd’hui, la Corse est à la fois un joyau touristique et un chaudron de revendications sociales. Imaginez un paysage idyllique… posé sur un volcan. Chaque été, des millions de continentaux s’y ruent pour bronzer, randonner ou prononcer “brocciu” sans trop de conviction. Le tourisme est vital pour l’économie insulaire, mais il a aussi ses effets secondaires : embouteillages dans les criques, déchets dans les sentiers, et hausse des prix qui laisse les locaux… perplexes.

Résultat : un ras-le-bol qui se traduit parfois par des graffitis peu flatteurs sur les villas secondaires (“I francesi fora”, soit “les Français dehors”) ou par une méfiance polie mais palpable. La Corse aime l’accueil, mais pas l’invasion. Et surtout pas l’irrespect de son environnement.

Justement, l’environnement est une obsession locale. Pas étonnant pour une île où les montagnes tutoient la mer et où les tortues d’Hermann ont droit de cité. De nombreuses associations militent pour une protection renforcée de la nature corse, menacée par la sur-fréquentation et l’urbanisation.

Les tensions politiques, si elles ont baissé d’intensité (moins d’attentats qu’à la grande époque du FLNC), restent présentes dans les débats publics. Des figures locales comme Gilles Simeoni ou Jean-Guy Talamoni défendent un modèle de développement plus respectueux de l’identité corse, loin du bétonnage et de la dépendance totale à l’État. L’autonomie est dans toutes les bouches, et parfois même dans les urnes.

Sur un mur, un tag du Front de libération nationale corse -César Culture G.
Sur un mur, un tag du Front de libération nationale corse.

La Corse, c’est la beauté d’un paysage, la force d’une identité et le tempérament d’un peuple qui préfère la fierté à la facilité. Derrière les clichés touristiques se cache une île vivante, complexe et passionnée. Une île à comprendre, pas seulement à admirer — et surtout, à respecter.

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