Au Japon, de plus en plus de jeunes consomment des stéroïdes pour sculpter leur corps juvéniles. Un culte du corps qui ne date pas d’hier et qui s’est complexifié au fil des siècles jusqu’à l’âge d’or du bodybuilding. Toutefois, les effets néfastes de ce culte à tout prix sont de plus en plus évidents. Le 11 mars 2023, la disparition du youtubeur et culturiste japonais Bigarm a d’ailleurs été un choc dans le milieu. Retour sur ce mythe du corps parfait.
Culte du corps, une histoire qui date
Il y a 4000 ans déjà, les Assyriens, les Babyloniens et les Chinois pratiquaient l’entraînement avec des poids. Néanmoins, ce sont surtout les Grecs et les Romains qui fantasmaient ce corps parfaitement svelte et musclé. Que ce soit à travers les représentations des dieux grecs ou au culte voué aux gladiateurs de la Rome impériale, niveau canon de beauté, on était bien servi. Un culte du corps qui s’est envolé à la fin de l’Antiquité avec la chute de l’Empire romain.
Entre le Moyen Âge et les années 1800, c’est le calme plat. La tendance est aux banquets à dix plats, aux ventres bedonnants et aux poitrines à débordement. Un physique recherché car il incarne l’opulence et la richesse. Il faut attendre l’année 1811 pour que l’on se rappelle que l’on possède un corps avec des muscles. Cette année-là, après sa victoire sur la Prusse, Napoléon interdit tout entraînement militaire dans le pays. Le Prussien Ludwig Jahn a alors l’idée d’entraîner ses hommes grâce à la gymnastique et de fortifier les plus faibles avec l’usage de poids et de lests. C’est ainsi que naissent les premiers clubs « de poids et haltères » et les premiers gymnases. Ludwig Jahn est d’ailleurs aujourd’hui considéré comme le père de la gymnastique.
C’est ensuite au tour de l’athlète et showman Eugène Sandow de prendre le relais dans la grande histoire du culte du corps. Il consacre ses études aux muscles et développe un système d’exercices pour faire travailler correctement chacun des 400 muscles du corps humain. Il sera également l’inventeur du premier concours esthétique. Avant lui, il y avait deux options pour le public en quête de sensations : les expositions de phénomènes de foire (nains, femmes à barbe, etc.), ou bien des démonstrations de force avec un semblant de mise en scène. Les épreuves étaient pour le coup assez archaïques avec au programme le tractage de charrettes et le levé d’animaux. Quoi qu’il en soit, il n’y avait aucune intention d’améliorer l’esthétique de son physique.
Naissance du bodybuilding
En 1901 se déroule la première compétition de culturisme, « The Great Show », à Londres. Le public est conquis. Le bodybuilding devient un métier, le culte du corps une véritable discipline. En hommage à Eugène Sandow, le trophée remis au vainqueur est une statuette à son effigie. Aujourd’hui, c’est aussi l’emblème de Mr. Olympia, la compétition la plus prestigieuse de bodybuilding. Entre-temps, l’Américain Bernarr Macfadden flaire la bonne affaire et rend accessible la culture du muscle au grand public. Bodybuilder et théoricien nutritionniste, Bernarr Macfadden lance le magazine Physical Culture, qui recense tous les derniers conseils en matière de bodybuilding et les tendances santé et fitness. Il publie également plusieurs ouvrages de conseils nutritionnels.
En 1902, Bernarr Macfadden ouvre également l’un des premiers établissements végétariens de New York. À l’époque, le culte du corps n’est pas encore un phénomène de société, mais grâce à Bernarr, la recherche du “corps parfait” devient accessible à tout un chacun. Dans le même temps, les États-Unis deviennent le berceau de la culture du bodybuilding, avec comme lieu emblématique la Muscle Beach de la côte californienne. Pour les culturistes, l’haltérophilie sur la plage devient tendance et, on peut le dire, super sexy. À l’après-guerre, la culture américaine se répand en Europe et le mythe du muscle avec elle. Superman, Hulk, Wonder Woman, les héros de Marvel mettent à leur tour en scène le muscle et offrent une nouvelle image du “corps parfait”. Cette image du corps surhumain se normalise progressivement dans l’imaginaire collectif.
Avec l’arrivée d’Hollywood, le bodybuilding prend une tout autre ampleur. Les bodybuilders deviennent des stars de cinéma, le plus célèbre d’entre eux étant Arnold Schwarzenegger. Le premier film hollywoodien en 1977, le documentaire « Pumping Iron » avec Arnold, marque un tournant pour le bodybuilding. Le documentaire est sélectionné au festival de Cannes et propulse la discipline à son apogée dans les années 80. De nombreux films mettant en scène des acteurs aux corps bodybuildés suivent, et les concours de culturisme se popularisent dans la culture occidentale
Aujourd’hui, le bodybuilding est bien plus qu’une quête esthétique. Il est devenu un véritable mode de vie, symbolisant dévouement, discipline et dépassement de soi. S’il inspire des millions de personnes à adopter un mode de vie sain, la limite avec l’obsession peut être mince.