Être une femme allemande sous le IIIe Reich, c’était avant tout être une mère. Et par mère, on entend ici être à la tête d’une famille nombreuse, voire très nombreuse ! Sous le régime nazi, la maternité était bien plus qu’une expérience personnelle ou familiale. Il s’agissait en réalité d’un devoir national. Dans une Allemagne en pleine reconstruction après la Première Guerre mondiale, Adolf Hitler voyait les femmes comme des alliées stratégiques pour assurer la survie et la suprématie de la “race aryenne”. Avec une politique nataliste agressive, une glorification des mères exemplaires et un arsenal de mesures sociales, le régime nazi transforme le rôle des mères en une mission politique.
Les femmes au service de la natalité
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, l’Europe fait face à un véritable cataclysme démographique. La guerre a été une hécatombe chez les jeunes hommes. En Allemagne, plus de 2 millions de soldats sont morts. En ajoutant à cela les centaines de milliers de pertes civiles, on se retrouve donc avec une démographie en déclin. Le déficit des naissances durant le conflit, le déséquilibre entre les sexes, le vieillissement de la population, poussent donc les États à réagir.
Lorsque Adolf Hitler arrive au pouvoir en 1933, l’un des axes majeurs de sa politique familiale sera donc d’encourager la natalité en Allemagne. Dans cet objectif, le régime nazi met rapidement en place un système de récompense pour les mères donnant naissance à plusieurs enfants. Le but derrière tout ça est assez simple : atteindre une moyenne de quatre enfants par foyer.
En 1938, Adolf Hitler crée une médaille d’État : la Croix d’honneur de la mère allemande. Cette médaille se décline en trois catégories : Bronze pour les mères de quatre ou cinq enfants. Argent pour celles ayant six ou sept enfants. Or pour les mères ayant huit enfants ou plus. Rien que ça ! Remise lors de cérémonies officielles, souvent par des dignitaires locaux, cette médaille symbolise la “gratitude de la nation allemande”. Les mères qui recevaient cette distinction bénéficiaient également de privilèges sociaux, comme par exemple des priorités dans les files d’attente ou des aides financières spécifiques.
Mais ces récompenses ne se destinent pas uniquement à honorer les mères. Elles servaient aussi à rappeler aux femmes leur “mission” biologique. Le corps des femmes était considéré comme un outil au service de l’État. Une sorte de machine à produire des enfants, mais surtout, des futurs soldats.
Une vision totalitaire de la maternité
Pour le régime nazi, les mères étaient bien plus que des figures domestiques. Elles étaient un rouage essentiel dans le projet de création d’une société “racialement pure“. C’est quelque chose qui semble assez évident quand on parle de nazisme, mais seules les mères “de sang allemand” pouvaient recevoir cette récompense. Les femmes de sang “non-aryen” n’étaient donc pas concernées, mais cela excluait également les femmes mariées à des étrangers. Un autre critère pour être perçue comme suffisamment “pure”, et pouvoir être récompensée, était de ne pas avoir avorté, ou de ne pas être soupçonnée de prostitution.
Le régime nazi intervenait donc dans tous les aspects de la vie des femmes pour s’assurer qu’elles se conforment à son idéal. Pour accélérer la création d’une race aryenne parfaitement pure et dominante, le Troisième Reich lance dès 1935 le programme Lebensborn.
Fondé par le chef des SS, Heinrich Himmler, ce programme visait à encourager la naissance d’enfants “aryens” en offrant un soutien aux mères célibataires jugées racialement “pures”. Ces femmes devaient donc concevoir des enfants avec des SS, parfois inconnus. Des foyers spéciaux furent créés pour accueillir ces naissances. Les enfants nés dans ce cadre étaient souvent considérés comme la “propriété” du Reich et étaient élevés pour devenir l’élite future. Des femmes sont même enlevées et internées de force dans ces instituts pour procréer.
Parallèlement à ça, le régime nazi lance des campagnes de stérilisations forcées contre les femmes qui ne correspondent pas à ses critères raciaux. Ainsi, la maternité, loin d’être un choix personnel, était une obligation pour certaines et une interdiction pour d’autres.
Propagande et endoctrinement des mères sous le régime nazi
Le régime nazi met donc en place une vaste machine de propagande pour glorifier l’image des mères et les convaincre que leur rôle est “essentiel” dans la société. Les affiches, les films et les journaux décrivaient la mère aryenne comme une héroïne silencieuse, pilier de la nation.
Des organisations comme la Ligue des femmes allemandes (Bund Deutscher Mädel) se chargeaient de diffuser les idées nazies auprès des femmes et de les former à ce futur rôle. Cette ligue s’occupait de l’éducation des jeunes filles allemandes de 10 à 18 ans.
Elle organisait des cours sur l’éducation des enfants, la gestion du foyer, ainsi que les principes de “l’hygiène raciale”, c’est-à-dire comment préserver la “pureté de la race aryenne”. L’État mettait tout en œuvre pour que les femmes intègrent pleinement leur mission. Non seulement comme mères biologiques, mais aussi comme principales garanties de la “pureté du sang allemand”.
Parmi les figures érigées en modèle par la propagande nazie, on retrouve Magda Goebbels. L’épouse de Joseph Goebbels, le ministre de la Propagande, incarnait la “mère aryenne parfaite“. Mère de sept enfants, elle apparaissait souvent dans des photos de propagande entourée de sa progéniture. Magda Goebbels symbolisait l’idéal familial nazi sur plusieurs aspects : une femme dévouée à sa famille, à son mari et à la cause nationale. Elle est d’ailleurs la première femme à avoir obtenu la Croix d’honneur, remise par Adolf Hitler en personne.
Surnommée “la plus grande mère du Reich”, Magda Goebbels n’était pas qu’une simple figure de propagande. Sa propre vie illustrait les contradictions et l’extrémisme de l’idéologie nazie. Femme cultivée et issue de la bourgeoisie, elle fut malgré tout réduite à son rôle d’épouse et de mère. Le tout, au service du Reich évidemment. Même au sommet de la hiérarchie, les femmes allemandes ne se résument qu’à leur rôle de mère.
Son destin se confondra d’ailleurs avec le fanatisme absolu. À la chute du régime nazi en mai 1945, Magda Goebbels et son mari empoisonnent leurs six enfants dans le bunker d’Hitler, avant d’eux-mêmes se suicider. Un ultime geste de loyauté envers le Führer. Pas si parfaite que ça, la plus grande mère du Reich…
Les mères sous le régime nazi ont donc été à la fois glorifiées et asservies. En les plaçant au cœur de son projet idéologique, le Troisième Reich transforme leur rôle en instrument de propagande. Derrière les honneurs et les récompenses, se cache en réalité un système oppressif et déshumanisant. L’histoire des mères du Reich nous rappelle surtout ce qu’est un système totalitaire. Un régime qui exploite entièrement son peuple, même dans les valeurs les plus intimes de la société comme la maternité. Heureusement, il existera toujours des hommes capables de s’opposer à la tyrannie.