José Castellanos Contreras: Le “Schindler” salvadorien

On en parle rarement, mais durant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs diplomates ont joué des rôles fondamentaux. Certains d’entre eux ont même œuvré pour sauver des dizaines de milliers de juifs persécutés par le nazisme. Ce fut par exemple le cas de José Castellanos Contreras, diplomate salvadorien quasi inconnu aujourd’hui, mais qui a participé au sauvetage d’environ 40 000 juifs. Retour sur ce héros oublié.

José Castellanos Contreras avant 1940
José Castellanos Contreras avant 1940

Castellanos Contreras: Un homme au service de son pays

José Arturo Castellanos Contreras est né en 1893 au Salvador, petit pays d’Amérique Centrale. Son père étant général de l’armée salvadorienne, le jeune José rejoint l’armée à l’âge de 16 ans. Il passe ainsi 26 ans de sa vie au service de l’armée salvadorienne, et sa carrière militaire est un succès ! À la fin de celle-ci, il est nommé sous-chef de l’état-major.

Mais son engagement pour son pays est écourté lorsque le président du Salvador le nomme diplomate en Europe. Maximiliano Hernández Martínez accède au pouvoir en 1931 à la suite d’un coup d’État militaire. Rapidement, le nouveau chef d’État salvadorien met en place une dictature militaire et la répression y est violente contre les opposants au nouveau régime.

Pourtant, Castellanos Contreras n’est pas intimidé par ces violences. En effet, il qualifie ouvertement le gouvernement de fasciste, et se prononce plusieurs fois publiquement contre le nouveau président Hernández Martínez. En conséquence de ces prises de positions, et plutôt que de le tuer, Hernández Martínez prend la décision de l’éloigner du Salvador en l’envoyant en Europe comme diplomate. Castellanos Contreras devient Consul général du Salvador en Angleterre, à Liverpool, à partir de 1937.

L’année d’après, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le Salvador l’envoie à Hambourg, en Allemagne. Castellanos Contreras devient alors témoin des violences exercées par le régime nazi contre la communauté juive. Il assiste, par exemple, à la Nuit de Cristal, les 9 et 10 novembre 1938. Cette nuit-là, les civils allemands et les forces nazis s’attaquent aux synagogues, aux commerces et aux maisons appartenant à des juifs. Des centaines d’entre eux sont assassinés, et plus de 70 000 juifs sont déportés dans les camps de concentration. 

Commerce juif saccagé après la Nuit de Cristal à Berlin, 10 novembre 1938
Commerce juif saccagé après la Nuit de Cristal à Berlin, 10 novembre 1938

Castellanos Contreras et György Mandl: la rencontre déterminante

En réaction à cet événement, José Castellanos Contreras, consterné par ce qu’il vient de voir, écrit au Ministre des Affaires étrangères du Salvador. Dans sa lettre, il décrit la situation critique des juifs en Allemagne, et demande l’autorisation d’accorder des visas salvadoriens à ceux qui tentent de fuir les répercussions terribles du nazisme. 

Le gouvernement lui refuse cette demande, par souci de neutralité. On lui fit même savoir qu’il avait l’interdiction de leur venir en aide ! À la suite de cette prise de position, le Salvador décide de lui faire quitter l’Allemagne, de peur qu’il subisse des répercussions. José Castellanos Contreras devient alors Consul général du Salvador dans une Suisse neutre, à partir de 1941.

En 1939, Castellanos Contreras fait la rencontre d’un certain György Mandl, un homme d’affaires juif originaire de Roumanie. Après une entraide liée a des problèmes commerciaux, Castellanos Contreras le nomme consul honoraire du Salvador pour la Hongrie, la Roumanie, et la Tchécoslovaquie. Ce poste lui permet d’avoir un passeport diplomatique, un atout précieux alors que la guerre est sur le point de commencer. 

A l’été 1942, Mandl doit prendre la fuite à cause de l’avancée de la guerre. Il se réfugie à Genève en Suisse, où il retrouve son ami salvadorien. Pour lui venir en aide et pour assurer sa protection, Castellanos Contreras fait de Mandl le premier secrétaire du consulat salvadorien de Genève. Une nouvelle fois, Castellanos Contreras va demander l’autorisation à son gouvernement d’accorder des visas aux réfugiés juifs. Mais une nouvelle fois, la réponse est négative.

George Montello / György Mandl
George Montello / György Mandl à Genève

Les papiers falsifiés

Sauf que Castellanos Contreras ne compte pas en rester là. En falsifiant des papiers officiels, il donna à Mandl et sa famille une nouvelle identité et la citoyenneté salvadorienne. György Mandl devient alors George Mantello, un nom plus hispanique. 

Ensemble, ils continuent leur mission, préoccupés par le sort des millions d’autres juifs persécutés à travers toute l’Europe, Mantello et Castellanos Contreras ont continué de falsifier des papiers. Recréant les mêmes documents que ceux de Mantello, leur but était de pouvoir ensuite les distribuer dans l’Europe occupée par les nazis. 

Ces faux documents accordent à leurs détenteurs le droit de demander et de recevoir la protection de la Croix-Rouge, laquelle garantissait la protection des citoyens des pays neutres durant la guerre. Plusieurs dizaines de milliers de faux documents sont alors distribués. France, Bulgarie, Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne, Roumanie… Des milliers de juifs européens deviennent, du jour au lendemain, des citoyens d’un petit pays d’Amérique Centrale, leur assurant une protection contre la déportation.

Faux visas salvadoriens signé de la main de George Mantello et délivré par José Castellanos Contreras
Faux visa salvadorien signé de la main de George Mantello et délivré par José Castellanos Contreras

En 1944, après deux ans de travail clandestin, José Castellanos Contreras reçoit enfin la permission du gouvernement de son pays de poursuivre ouvertement sa démarche humanitaire. Lui et Mantello augmentèrent la cadence pour délivrer le plus de papiers salvadoriens possibles. 

En tout, on estime que 30 à 50 000 juifs européens ont été sauvés par l’action de José Castellanos Contreras. 

L’après-guerre: retour à une existence normale au Salvador

José Castellanos Contreras et George Mantello font partie de ces héros méconnus de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, Castellanos Contreras se retrouve affecté à Londres. Quelques années plus tard, il prend sa retraite et rentre au Salvador pour mener une existence discrète. Il n’évoqua que très rarement son action. En 1976, l’ancien colonel accorde une interview à la radio salvadorienne. C’est la seule et unique fois qu’il reviendra sur ses actions héroïques. Il ne considéra jamais avoir été un héros, et croyait vraiment avoir fait ce que n’importe qui dans la même position aurait fait. Il disait avoir seulement voulu aider un ami en danger. 

Pourtant, de nombreux faux papiers similaires d’autres pays sud-américains étaient vendus au marché noir durant la guerre. Ces faux visas valaient une fortune et constituaient un véritable commerce. Castellanos Contreras et George Mantello n’ont jamais fait payer les précieux papiers salvadoriens qu’ils distribuaient. 

José Castellanos Contreras meurt dans l’anonymat à 83 ans, en 1977 à San Salvador. Ce sont ses descendants qui firent reconnaître son action de manière publique. Il fallut attendre 2010 pour que José Castellanos Contreras accède au titre de “Juste parmi les Nations”. Cette médaille, remise aux civils qui ont mis leurs vies en danger pour sauver des Juifs, est la plus haute distinction honorifique décernée par Israël. José Castellanos Contreras est le seul salvadorien à avoir reçu cette distinction. 

Médaille de Juste parmi les Nations au nom de José Castellanos Contreras
Médaille de Juste parmi les Nations au nom de José Castellanos Contreras

L’histoire de José Castellanos Contreras est un témoignage d’héroïsme et de courage. En plus de désobéir à son propre gouvernement, il s’est surtout opposé à la tyrannie nazie de manière significative. En sauvant des milliers de juifs, il laisse une empreinte lumineuse dans une des périodes les plus sombres de l’Histoire, et cela non sans rappeler un certain Oskar Schindler. Si ce dernier a vu son histoire adaptée au cinéma, on attend encore pour celle de José Castellanos Contreras.

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