La grève du sexe : une menace redoutable

Sous ses airs de réprimande anecdotique, la grève du sexe est en réalité un puissant moyen de revendication politique. Et cette pratique ne date pas d’hier : elle remonte à l’Antiquité. Toutefois, depuis la réélection de Donald Trump, la grève du sexe est redevenue un outil de pression politique très actuel. Après le Kenya, la Colombie et le Liberia, ce sont désormais les Américaines qui y ont recours pour exprimer leur mécontentement. Retour sur les origines de la plus ancienne des menaces : la grève du sexe.

Aux origines de la grève

Tout commence il y a 2 500 ans avec une pièce de théâtre d’Aristophane. Lysistrata, c’est le nom d’une Athénienne qui se révolte contre la toute-puissance des hommes. Dans la pièce, elle parvient à convaincre les autres femmes de ne plus avoir de relations sexuelles avec eux. Son objectif ? Obliger les hommes à mettre fin à la guerre sanglante menée contre Sparte.

Refuser aux hommes la moindre parcelle de nos corps, la moindre complaisance, tant qu’ils ne nous auront pas fait la paix.

La pièce est écrite en -411. Athènes et Sparte se livrent alors une guerre sans merci depuis des années. C’est la fameuse guerre du Péloponnèse qui met la Grèce à feu et à sang. Dans la pièce, les femmes cherchent d’abord à susciter le désir des hommes avant de leur faire volte-face.

Inspiration de la pièce de théâtre Lysistrata, mise en scène par Thierry Debroux. Saison 2023 / 2024.

Il faut nous priver de foutre !

Derrière un récit au ton comique, voire grivois, Aristophane avait en réalité une idée bien précise des enjeux des guerres et des liens du mariage. Tout est affaire de sexe et de satisfaction, et le moment de la satisfaction devient la base de la politique. En somme, à quoi bon gagner une guerre si, derrière, il n’y a pas une bonne partie de jambes en l’air. Oui, on est peu de chose.

D’Aristophane au prix Nobel de la paix : le sexe en puissance

L’histoire de Lysistrata a inspiré de nombreuses luttes menées par des femmes à travers le monde, et certaines ont même obtenu gain de cause. Parmi les exemples les plus célèbres, celui de la Colombie figure sans aucun doute dans le top 3.

En 2012, le village de Santa María del Puerto de Toledo de las Barbacoas était complètement enclavé, relié au reste du pays uniquement par un chemin muletier presque impraticable. En conséquence, face au manque de volonté des responsables politiques locaux pour construire une route en dur, les femmes de la région ont entamé une grève du sexe totale. Après trois mois et 19 jours d’abstinence, les hommes n’y tiennent plus. Les femmes obtiennent alors gain de cause : la route est enfin construite.

La grève du sexe au village de Santa Marîa del Puerto : la stratégie qui paye

Toutefois, cette grève du sexe semble presque modeste face au tournant historique qu’a connu le Liberia. En 2002, Leymah Gbowee lance un mouvement de grève du sexe pour un objectif bien plus ambitieux : restaurer la paix dans le pays. En effet, à cette époque, le pays est déchiré par une guerre civile sanglante, divisée entre deux camps : les partisans du dirigeant Charles Taylor d’un côté et plusieurs chefs de guerre de l’autre. Les femmes, sont exclues des processus de négociation.

Grâce à leur grève du sexe, elles parviennent finalement à participer aux discussions aux côtés des chefs de guerre. Le gouvernement militaire de Charles Taylor est renversé. En 2011, Leymah Gbowee sera récompensée par le Prix Nobel de la paix pour son rôle dans la promotion de la paix, notamment par le lancement de cette grève du sexe.

Le pussy power, la grosse colère.

Dans un contexte marqué par des débats mondiaux sur les droits des femmes, un mouvement féministe a particulièrement gagné en visibilité ces dernières années. C’est le modèle 4B (Bread, Bedroom, Baby, Body) qui s’apparente à une grille d’analyse afin de définir ce qu’est le rôle la femme moderne.

D’abord né en Corée du Sud, le mouvement est devenu viral aux Etats-Unis. Au lendemain de l’élection de Donald Trump, le mouvement féministe radical prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux. Par conséquent, depuis le 5 novembre, «4B» apparaît comme l’un des mots-clés les plus recherchés sur Google aux Etats-Unis. 

Mouvement Féministe Sud-Coréen 4B devient viral Aux États-Unis

Membre du Pussy Power au pied de la Trump Tower

Symbole de cette viralité, un message posté sur X (ex-Twitter) a été vu par presque 18 millions de personnes : “Les filles, il est temps de fermer vos utérus aux hommes. Cette élection prouve plus que jamais qu’ils nous détestent, qu’ils nous détestent fièrement. Ne les récompensez pas.”

Le mouvement prône les quatre points suivants lorsqu’on est une femme : non aux rencontres amoureuses hétérosexuelles, non au sexe avec les hommes, non au mariage avec les hommes, non à la reproduction. Sévère. Par ailleurs, sur les réseaux sociaux, elles sont de plus en plus nombreuses à faire le vœu d’être célibataires à vie. En soi, des nonnes au 21ème siècle, un zeste de colère en plus.

Si la grève du sexe est le moyen de pression le plus vieux au monde, elle semble toutefois ne pas avoir perdu en efficacité. Du moins, elle apparait comme une stratégie payante pour les femmes qui cherchent à faire entendre leurs revendications. Mais est-ce que ça marche dans les deux sens ? L’Histoire nous le dira peut-être un jour. 

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