Photographie d'une minuscule méduse, du genre Turritopsis (qui comprend deux espèces de méduses immortelles) avec de longs et fins tentacules qui se terminent en massue. César Culture G

Les secrets des méduses immortelles

L’immortalité biologique désigne un état dans lequel des organismes ne voient pas leur mortalité augmenter avec leur âge, ni ne meurent de vieillesse. S’ils peuvent mourir suite à une attaque de prédateurs ou à un autre dommage, leur fonctionnement est peu voire pas affecté par leur âge. Cette particularité a été observée chez plusieurs organismes, à différents degrés. Si quelques organismes semblent peu concernés par le vieillissement (les homards, les hydres ou encore les rats-taupes nus), certaines méduses amènent l’immortalité à un tout autre niveau. Ces “méduses immortelles” s’appuient sur leur formidable capacité à… retourner en arrière dans le temps !

Qui sont les méduses immortelles ?

On entend régulièrement parler de « la méduse immortelle ». Pourtant, il n’y a pas une seule méduse immortelle, mais bien plusieurs ! Au moins deux espèces sont considérées comme biologiquement immortelles et étudiées pour cette particularité : Turritopsis dohrnii et Turritopsis nutricula.

Photographie d'une minuscule méduse, du genre Turritopsis (qui comprend deux espèces de méduses immortelles) avec de longs et fins tentacules qui se terminent en massue. César Culture G
Une méduse du genre Turritopsis, auquel appartiennent les deux espèces de méduses immortelles.

La première mesure à peine 1 cm de diamètre et peut se trouver dans tous les océans de la Terre. On peut également la rencontrer en mer Méditerranée. C’est seulement en 1988 que nous avons fait la découverte de cette méduse. La deuxième est encore plus petite : 4 à 5 mm. Elle vit également plus loin, puisqu’elle est originaire de la mer des Caraïbes. Cependant, l’espèce s’étend de plus en plus et pourrait atteindre d’autres eaux du globe. Cette espèce est connue depuis 1857. Néanmoins, qu’il s’agisse de la première ou de la deuxième, le mécanisme grâce auquel elles peuvent atteindre l’immortalité n’est pas connu depuis aussi longtemps !

Le cycle de vie particulier des méduses

Pour comprendre comment ces deux espèces de méduses peuvent être immortelles, il faut d’abord connaître leur cycle de vie. Comme d’autres méduses, elles ont un cycle qui passe par des stades très différents les uns des autres.

Image reprenant le cycle de vie des hydroméduses, qui incluent les méduses immortelles. Le cycle commence par la fécondation, qui donne un œuf, qui se transforme en planula puis en polype qui donnera naissance à plusieurs méduses. César Culture G
Cycle de vie d’une hydroméduse.

La reproduction entre une méduse mâle et une méduse femelle produit un œuf, expulsé par la femelle. Cet œuf va d’abord devenir une larve nommée planula. Cette larve va chercher à se fixer sur un support dans les fonds marins afin de se transformer en polype. Les polypes vont à leur tour se transformer, bourgeonner en plusieurs petites parties, qui vont chacune former de petites méduses. D’une seule larve à l’origine peuvent donc naître plusieurs méduses. Celles-ci atteindront en un certain temps leur maturité. Elles pourront alors se reproduire pour engendrer de nouveaux individus via le processus évoqué juste avant.

Eh oui, en gros, les méduses telles que vous les connaissez ne correspondent en fait qu’à une partie de leur cycle. En réalité, avant d’être ces boules de gélatine libres qui se déplacent au gré des courants, elles ont une vie fixe. Certaines méduses restent même toute leur vie dans ce stade fixe !

Le secret des méduses immortelles : redevenir jeune

Dans le cas de nos méduses, une fois adultes, elles peuvent décider de s’atrophier et revenir à un stade précédent. Elles ne retournent pas au tout début de leur cycle, mais à un stade bien précis : celui de polype. Plutôt que de mourir, elles rajeunissent. Diverses sources de stress peuvent être à l’origine de ce rajeunissement (changement de température, blessure, maladie…). Il peut avoir lieu plusieurs fois dans la vie de la méduse (ce phénomène a été observé jusqu’à dix fois en deux ans chez Turritopsis nutricula). Théoriquement, il pourrait même se répéter à l’infini.

Photographie d'un polype de méduse. Il est constitué de plusieurs couches qui se détachent au fur et à mesure et donnent chacune une méduse. César Culture G
Un polype, formé de plusieurs couches qui donneront chacune une méduse.

C’est un mécanisme au nom un peu barbare, la transdifférenciation, qui permet ce rajeunissement. En temps normal, lorsqu’un organisme se développe, il est constitué de cellules indifférenciées qui vont se spécialiser. Certaines vont devenir des cellules musculaires, d’autres des cellules osseuses ou des cellules du sang. Lorsqu’elles se sont spécialisées, les cellules ne peuvent plus revenir en arrière ou changer de spécialisation. Sauf avec la transdifférenciation, qui fait de cette impossibilité une réalité ! Les cellules peuvent revenir en arrière, dans leur état indifférencié, avant de se spécialiser à nouveau. Pour la majorité des organismes (dont l’humain), la transdifférenciation n’est pas possible. Les méduses dont nous parlons font figure d’exception.

Une immortalité discutable ?

Notons tout de même que le concept d’immortalité et sa définition exacte font débat. Ce qu’il arrive à ces méduses et l’immortalité des individus est questionnable également. Quand la méduse retourne à son état de polype, puis reprend son développement à partir de là, elle produit plusieurs nouvelles méduses. Peut-on alors vraiment considérer qu’on a affaire au même individu qu’au départ ? Si les méduses produites ainsi sont bien génétiquement identiques à la méduse d’origine, il est tout de même contre-intuitif de se dire que plusieurs méduses peuvent former un seul et même individu.

À ce jour, deux espèces différentes de méduses sont connues pour leur capacité à rajeunir. Grâce au mécanisme exceptionnel de la transdifférenciation, elles peuvent remonter le temps. Redevenant des polypes, elles peuvent donner naissance à leurs propres clones. La notion d’immortalité et son application à ces méduses peut cependant faire débat. C’est à se demander s’il peut réellement exister des espèces éternelles.

Articles précédents

La grève du sexe : une menace redoutable

Article suivant

Technophiles et Technophobes : d’où vient cette obsession pour la technique ?

Plus d'articles