Hotel Arbez

L’hôtel Arbez, construit sur une frontière internationale.

Changer de pays en chaussons et peignoir, c’est possible grâce à l’hôtel Arbez. L’établissement est littéralement construit sur la frontière franco-suisse, ce qui en fait le seul hôtel au monde à être situé sur une frontière internationale. Mais avant d’être un lieu insolite, l’hôtel Arbez a été bien plus qu’un simple lieu de passage.

Hôtel Arbez, traversé par la frontière franco-suisse

S’il y a bien une frontière sur laquelle on peut s’amuser à construire un hôtel, c’est bien celle avec la Suisse. La neutralité historique du pays continue de faire des merveilles et l’hôtel Arbez en est la preuve. Aujourd’hui, l’établissement est autant une curiosité géographique qu’historique. Un peu comme une sorte de tunnel magique, il est possible d’y entrer en France et d’en sortir en Suisse. Ou inversement, ça marche dans les deux sens, l’hôtel possède des entrées accessibles depuis les deux pays. Certaines chambres sont même coupées en deux par une ligne de démarcation. Selon la disposition des chambres, les clients peuvent dormir avec une partie de leur lit en France et l’autre en Suisse. L’hôtel peut ainsi se vanter d’offrir une expérience unique proche de la fiction : dormir dans deux pays en même temps.

L’Arbézie, la communauté traversée par la frontière franco-suisse

Derrière l’expérience insolite que propose l’hôtel Arbez se cache une histoire fascinante qui débute en 1862. Le 8 décembre, la France et la Suisse conviennent de leurs frontières communes et signent le traité des Dappes. Mais ce traité n’est pas immédiatement ratifié, ce qui arrange beaucoup un certain Ponthus. Celui-ci possède alors une parcelle de 10 ares située en plein milieu du découpage des deux territoires. Il y fait rapidement construire un bâtiment malgré la demande des autorités suisses de stopper les travaux. Le 20 février 1863, le traité est finalement ratifié.

Comme le traité stipule qu’il ne portera aucune atteinte aux droits acquis au moment de l’échange des ratifications, le bâtiment de Ponthus ne peut pas être démoli. Coup de poker réussi, il y installe un bar côté français et un magasin côté suisse. On le soupçonne d’en profiter pour continuer ses activités de contrebande, mais rien ne le prouve officiellement.

Hôtel Arbez, le seul hôtel au monde construit sur une frontière internationale.

L’Arbézie, une micronation

À la mort de Ponthus en 1921, le terrain est vendu à Jules-Joseph Arbez. Il transforme le bâtiment en « Hôtel franco-suisse ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’hôtel se trouve dans la partie française alors occupée par les nazis. Le fils Arbez, Max Arbez, profite de la position transfrontalière de l’hôtel pour faire passer en Suisse des juifs et des résistants français persécutés. Les autorités allemandes n’ont accès qu’à la partie française de l’hôtel, c’est-à-dire le bar et le restaurant. L’escalier menant aux chambres commence en France, mais à partir de la 7e marche, il est en Suisse. Certains ont dû courir très vite dans cet escalier. Ce tour de passe-passe amuse moyennement les Allemands qui font alors murer l’hôtel. L’établissement ne rouvrira qu’à la fin de la guerre.

Version humoristique du tableau Les joueurs de cartes de Paul Cézanne

La Suisse demande à revoir sa frontière avec la France et tente de faire l’acquisition de l’hôtel entier, en vain. En 1958, dans un esprit de légère provocation, Max Arbez transforme alors l’hôtel en micronation, crée une monnaie, la roupie arbézienne, et s’autoproclame prince Max Ier d’Arbézie. Il ira même jusqu’à faire du président Charles de Gaulle le premier citoyen d’honneur d’Arbézie.

En 1961, l’hôtel devient un lieu de négociation politique. S’y tiennent alors les premières discussions pour établir les accords d’Évian visant à mettre fin à la guerre d’Algérie. Les diplomates français viennent de France, tandis que les représentants algériens arrivent depuis la Suisse. Le 22 avril 2012, pour saluer son action pendant la Seconde Guerre mondiale, Max Arbez est reconnu Juste parmi les nations à titre posthume.

Aujourd’hui, l’hôtel Arbez reste la propriété de la famille Arbez, symbolisant la coopération et l’amitié transfrontalière. Les visiteurs peuvent y découvrir une hospitalité unique, marquée par une fusion des cultures française et suisse.

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