Japon, de l’amour solitaire à la maladie du coeur brisé

Au Japon, il est possible de demander un congé maladie si on se fait larguer. Enfin, plus exactement, si l’on a le cœur brisé. C’est la maladie du Tako-Tsubo. Si les Japonais semblent prendre très au sérieux les relations amoureuses, il existe aussi toute une autre facette du Japon. Dans une société où l’on peut louer un petit ami à l’heure ou se marier seule, l’amour avec un grand A ne semble pas vraiment avoir sa place dans l’archipel nippon. Le Tako-Tsubo est-il un paradoxe ou symptomatique de la jeune génération ?

Les relations amoureuses au Japon

Au Japon, 70 % des jeunes adultes non mariés sont célibataires et la moitié d’entre eux est encore vierge. Un constat qui inquiète le gouvernement. Surprenant, voire amusant de prime abord, la réalité est pourtant bien plus grave : la natalité au Japon est en chute libre, et à ce rythme, selon des statistiques officielles, la population japonaise pourrait disparaître dans 400 ans. D’un autre côté, demander à un japonais sa définition de l’amour révèle un paysage bien particulier, où il est question de petits amis de location, de mangas érotiques et de mariages en soloDes histoires virtuelles prises très au sérieux. D’ailleurs, la majorité des japonais voient davantage de valeur dans la solitude que dans la vie à deux. La raison ? Au Japon, les stéréotypes autour du couple restent tenaces. Aux femmes revient la charge du foyer et des enfants, tandis que les hommes portent la responsabilité financière.

Le Japonais Akihiko Kondo, un fictosexuel mariée avec une poupée

Face à ces attentes, les japonais semblent se détourner du modèle familial traditionnel et réinventent les codes. Les agences de location de petit ami représentent le niveau 1 de “l’amour solitaire”, car c’est la pratique la moins engageante au quotidien. Sur la base d’un forfait horaire, il est possible de louer un homme de compagnie. Se balader, prendre un café, discuter : le but est de partager un moment sans qu’il soit question de rapport sexuel. Toutefois, les schémas se diversifient. Par exemple, à Tokyo, des bars proposent des services de Don Juan avec un classement de popularité visible en vitrine. Un marché qui s’adresse à des milliers de femmes, certaines prêtes à dépenser la moitié d’un salaire au cours d’une soirée. D’autres vont encore plus loin et développent des relations avec des personnages virtuels via des jeux vidéos, voire matérialisent cette romance par la création d’une poupée. Une tendance qu’on nomme la fictosexualité, l’attirance pour les personnages fictifs. Des amours solitaires, virtuels et modernes selon eux, mais symptôme d’un mal-être pour les aînés.

Tako-Tsubo, le burn out du coeur

Bien évidemment, à n’importe quelle latitude, il y a bien un trait qui unit toutes les formes d’amour : le paradoxe. Cette facilité relationnelle rassure de nombreux japonais, souvent marqués par une timidité maladive liée à la culture. Certains se font même appeler les “herbivores” un terme forgé par la presse japonaise pour désigner les jeunes qui, plutôt que d’aller “chasser,” préfèrent ruminer dans leur coin. Coup dur pour l’égo. Auparavant, on ne se posait pas la question, car les familles arrangeaient la majorité des mariages. Aujourd’hui, les japonais prennent le sentiment amoureux très au sérieux, au point qu’ils ont créé un terme médical pour évoquer un chagrin d’amour : le Tako-Tsubo, aussi appelé syndrome du cœur brisé. Les japonais ont mis cette maladie en évidence dans les années 70. Elle peut-être déclenchée par un choc émotionnel ou un stress physique. Toutefois, les spécialistes en cardiologie estiment que la rupture sentimentale est à l’origine d’un quart des cas constatés.

Le terme tako-tsubo signifie “piège à poulpe”, car le ventricule gauche du cœur en prend une forme similaire lorsque celui ci est affecté. Cette maladie survient souvent après un choc émotionnel intense. Sous l’effet du stress, les glandes surrénales produisent un flot d’hormones tel qu’une partie du cœur ne se contracte plus. Le ventricule gauche gonfle alors jusqu’à ressembler à une petite amphore, d’où le nom “piège à poulpe.” En général, au bout de quelques semaines, tout rentre dans l’ordre, et le cœur ne garde pas de séquelles. Les femmes y seraient plus exposées, une hypothèse fondée sur la sensibilité accrue de leurs artères aux effets du stress

L’amour au Japon tend à devenir un univers de plus en plus solitaire. Les Japonais semblent d’ailleurs redoubler d’inventivité pour développer cet aspect. Toutefois, l’amour redéfinit le fonctionnement d’une société dans bien des pays. Aux Philippines, le député Lordan Suan a proposé la mise en place d’un congé maladie en cas de rupture. Un congé non rémunéré de trois jours maximum pourrait être proposé afin se remettre de son chagrin d’amour.

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