Indéniablement, la coupe du monde de football est l’un des événements planétaires les plus suivis au monde. Pour preuve, la dernière finale en date opposant la France à l’Argentine a été regardée par plus de 1,5 milliard de personnes à travers la planète. Mais en parallèle de cette coupe du monde qui a lieu tous les quatre ans, il existe une autre coupe du monde de football. Bien moins connue que sa grande sœur, cette compétition de la ConIFA oppose des pays qui n’existent pas..
Avant la ConIFA : la NF-Board
Tout commence en 2003 lorsqu’est fondée la NF-Board, une fédération internationale de football qui avait pour but de regrouper les équipes internationales non reconnues par la FIFA. L’ambition première de cette fédération est simple : « Les droits pour les peuples de participer à des événements sportifs sont une base pour une communauté démocratique internationale respectueuse de toutes les diversités, en conformité avec l’esprit sportif. »
Le but est donc de permettre à toute entité, peuple, ou pays non reconnu sur le plan international de devenir membre de cette fédération pour ensuite pouvoir participer à des compétitions internationales. Le tout, en s’émancipant de la FIFA. Car en effet, l’affiliation à la FIFA est codifiée.
L’article 10.1 des statuts de la FIFA est clair sur le sujet. “Peut devenir membre de la FIFA toute association responsable de l’organisation et du contrôle du football dans un pays.” Par “pays”, on entend dans ce contexte un État indépendant reconnu par la communauté internationale. Même s’il existe des exceptions historiques, comme Tahiti ou Gibraltar par exemple qui ne répondent pas exactement à ces exigences, certaines nations restent hors jeu. (Vous l’avez ?)
Ignorés par la FIFA pour des raisons politiques, plus ou moins valables, ces micro-États, nations ou autres territoires autoproclamés tentent d’exister par le football hors de la FIFA. En créant le NF-Board en 2003, Jean-Luc Kit, son secrétaire général, pensait rassembler les oubliés de la FIFA. Tout entité ou pays non reconnu sur le plan international peut devenir membre. Son rêve était d’organiser une coupe du monde des exclus de la FIFA, sans récupération politique. Et ce fut le cas à partir de 2006 avec l’organisation de la Viva World Cup.
La Viva World Cup
Organisée en novembre 2006 en France, la Viva World Cup est la première édition d’une coupe du monde de football regroupant des équipes internationales non reconnues par la FIFA. Quatre équipes participent à cette première édition : La Laponie, Monaco, l’Occitanie, et le Cameroun du Sud. Pour l’Occitanie et la Laponie, il s’agissait d’utiliser cette compétition comme un outil de promotion culturelle. Le Cameroun du Sud, lui, est une région qui lutte pacifiquement pour son autonomie depuis les années 1960.
Malgré des difficultés d’ordre politique, cette première édition fut un succès. Cela poussa la NF-Board à organiser d’autres éditions. 2008, 2009, 2010, 2012, la compétition aura connu cinq éditions. Rassemblant des équipes comme la Laponie, le Kurdistan, Zanzibar, le Darfour, la Provence, ou encore Chypre du Nord, c’est finalement l’équipe de Padanie (Italie du Nord) qui possède le plus gros palmarès avec trois titres de “champion du monde”. Suivent ensuite la Laponie et le Kurdistan avec un titre chacun.
Les choses prennent de l’ampleur à partir de 2013. En effet, la Confédération des associations de football indépendantes (ConIFA) voit le jour. Prenant en quelque sorte la place de la NF-Board, cette confédération qui se veut neutre sur le plan politique et religieux, tente de rassembler les équipes des nations et des peuples non représentés, des états non reconnus, des minorités et des apatrides. Elle rassemble actuellement presque soixante fédérations, réparties sur tous les continents.
La ConIFA aussi organise ses propres compétitions. La première coupe du monde ConIFA a eu lieu en 2014 en Laponie. Rassemblant douze équipes, dont le Kurdistan, l’île de Man, l’Abkhazie, ou encore les Araméens, elle fut remportée par… le Comté de Nice !
ConIFA : Neutralité et enjeux politiques
À l’heure actuelle, quatre éditions de cette coupe du monde se sont tenues. Après 2014, il y a eu 2016 en Abkhazie et 2018 en Angleterre. L’édition prévue en 2020 fut annulée à cause de la pandémie de Covid-19. Mais une nouvelle édition est censée se tenir cette année 2024. La ConIFA a choisi le Kurdistan pour accueillir le tournoi.
Évidemment qu’avec l’organisation de tels événements, les questions politiques ne sont jamais bien loin. Même si la ConIFA se veut neutre sur le sujet, ce n’est pas forcément le cas des équipes qui participent à ces compétitions. Les objectifs des participants sont multiples et souvent très différents d’une équipe à l’autre. Souvent, le but est de promouvoir une cause régionaliste, sans pour autant tomber dans des revendications indépendantistes.
Pour d’autres, l’objectif est de porter une cause aux yeux du public. C’est le cas par exemple du Tibet, du Kurdistan ou encore des îles Chagos. Le football, et le sport plus généralement, peuvent permettre une meilleure reconnaissance internationale sur des combats pour l’indépendance, ou sur des violences subies dans certaines régions du monde, comme notamment le Darfour.
Pour d’autres encore, la ConIFA n’est qu’un premier pas vers une adhésion à la FIFA. Les deux instances n’entretiennent pas de relations officielles, mais elles ne sont pas non plus en concurrence. Pour les Tuvalu, le Kiribati, ou le Groenland par exemple, l’objectif n’est pas de rester membre de la ConIFA, mais bien de rejoindre, à terme, la FIFA. Souvent, ces pays peinent à remplir toutes les conditions nécessaires pour une adhésion à la FIFA, notamment en termes d’infrastructures. Mais des compétitions comme celles de la ConIFA participent à améliorer ce genre de situations.
Ces compétitions ont donc pour but de construire des ponts entre ces différentes nations, régions, et ethnies par le football. En plus de la coupe du monde, la ConIFA tente d’organiser des coupes continentales. Depuis 2022, elle organise également la coupe du monde féminine. La Laponie a remporté la première édition en battant les Tibétaines. La confédération a même organisé une compétition de football à sept dans une version handisport en 2019, toujours dans un objectif d’inclusivité.