Fourrure et peaux de bêtes : une histoire de luxe

Le 29 novembre 2024, le British Fashion Council annonçait l’interdiction de l’utilisation de peaux exotiques sur les défilés de la fashion week 2024 à Londres. La capitale devient alors la première ville des “Big Four”, qui comptent New York, Milan et Paris, à instaurer une règle aussi importante. Cette décision suit les initiatives déjà prises par plusieurs grandes marques, comme Prada, Gucci, Chanel ou encore Marc Jacobs. Retour sur l’histoire de la fourrure et cette industrie du luxe controversée.

La fourrure : un moyen de survie et un symbole spirituel

Le port de la fourrure est une pratique qui remonte aux premiers hommes. En effet, à l’ère de la préhistoire, les options vestimentaires étaient quelque peu restreintes. Au choix : slip léopard ou slip moumoute. Évidemment, à cette époque, l’utilisation des peaux de bêtes était purement utilitaire. Les peuples se servaient des peaux d’animaux qu’ils avaient chassés puis mangés pour se protéger principalement du froid. Ceci dit, la fourrure a très vite été perçue comme une parure qui servait à marquer le courage du chasseur ou à afficher un rang, comme le léopard porté par les nobles égyptiens.

Les Inuits : la fourrure comme moyen de survie

Aujourd’hui encore, dans certaines régions du monde, la fourrure et les peaux de bêtes ont conservé une signification symbolique. Par exemple, les peuples Inuits considèrent les animaux comme des êtres spirituels. Après la chasse, ils remercient l’esprit de l’animal pour son sacrifice, une manière de respecter la nature et de maintenir un équilibre. Pour d’autres peuples tels que les dernières tribus indiennes, les bisons, les loups ou les ours sont toujours associés à des esprits protecteurs ou à des totems. Porter leur peau ou leur fourrure représente une connexion avec leur esprit.

La moumoute pour la frime

Si l’emploi des peaux et fourrures évolue selon les zones géographiques et les époques, c’est au Moyen Âge que débute véritablement leur commerce. On porte du loup, du castor voire même du chat. Néanmoins, autant pour les femmes que pour les hommes, les peaux de bêtes deviennent des objets luxueux permettant d’affirmer un statut social. La noblesse utilise alors la fourrure comme un symbole de richesse pour se distinguer du petit peuple.

Dans le même temps, la découverte de colorants naturels permet sa diffusion en Europe : les cols, les capes et autres accessoires, principalement possédés par la royauté, en sont tous composés. Toutefois, une moumoute en particulier sort du lot : l’hermine. La précieuse hermine. Réservée aux souverains tant elle est rare, on adore en mettre sur leurs couronnes pour souligner le caractère sacré et inaccessible de celui qui la porte.

L’Âge d’or du commerce des peaux de bête

La traite des fourrures a également longtemps joué un rôle économique important dans certains pays. Au XVIIe siècle, au Canada, le castor fait d’ailleurs la fortune du pays. Les trappeurs partent des mois entiers le chasser, et les peaux de castor deviennent rapidement même un moyen d’échange et de paiement. Par ailleurs, cela aura également permis d’explorer et d’exploiter de nombreuses terres inconnues d’Amérique du Nord. Pendant environ deux cents ans, la fourrure sera donc la principale source de revenu économique dans l’ancienne Nouvelle-France. C’est au tournant des années 1800 que le commerce des fourrures connaît un déclin progressif.

Vie de trappeur : chasse à la fourrure de castor dans la Nouvelle-France

Que cela soit en Europe ou en Amérique, la chasse excessive a entraîné la raréfaction des espèces. Le commerce des peaux devient moins durable et moins rentable. À partir du XXe siècle, plusieurs pays européens adoptent des lois limitant ou interdisant la chasse, le piégeage et l’élevage d’animaux pour leur fourrure. Dans le même temps, l’industrialisation rend les textiles synthétiques plus accessibles. Moins coûteuse et plus pratique à entretenir, la moumoute synthétique devient tendance.

La fourrure Haute Couture

Paradoxalement, le début du XXe siècle sera également l’Âge d’or de la fourrure dans le Luxe. Les grandes maisons de couture comme Dior ou Yves Saint Laurent utilisent la fourrure pour donner un caractère intemporel à leurs créations. Les manteaux, étoles et accessoires en fourrure sont conçus pour durer, accentuant l’idée que la fourrure est un investissement et un signe de raffinement. La moumoute débarque alors dans tous les défilés de Haute Couture. Des maisons comme Fendi développent même un véritable savoir-faire autour de la fourrure et expérimentent avec les couleurs et les coupes afin de moderniser son utilisation.

Défilé de fausses fourrures : Christian Dior, Givenchy et Stella McCartney

Toutefois, à partir des années 1980, les associations pour les droits des animaux réagissent grâce à des campagnes de sensibilisation à la cruauté animale dans l’industrie de la fourrure. L’opinion publique change. Les marques doivent alors opérer un véritable changement d’image. Certaines maisons comme Gucci, Prada ou Chanel cessent d’utiliser de la fourrure naturelle et optent pour des alternatives de fourrures synthétiques. Des marques de luxe comme Balenciaga développent même des lignes de fourrures synthétiques haut de gamme. Plus qu’une transition, ce changement reflète une réelle évolution dans la définition du luxe : il ne s’agit plus uniquement d’exclusivité ou de rareté, mais également d’éthique et de responsabilité.

Aujourd’hui, certaines maisons continuent d’utiliser la fourrure, souvent produite de manière contrôlée, afin de répondre à un certain type de clientèle. Toutefois, la fourrure et, depuis peu, les peaux exotiques telles que le crocodile sont bannies des podiums. Dans cette démarche, les grandes maisons utilisent désormais leurs initiatives anti-fourrure pour attirer des consommateurs soucieux de la durabilité et de l’éthique. Pour le grand bonheur des crocodiles et des castors.

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