70s : flower power et dérives sectaires

Sous ses airs de hippie, les années 70 ne furent pas que l’apothéose du flower power. L’effet peace and love eut un revers cinglant. Dans un climat post-68 où les désillusions politiques et la libération des mœurs s’entremêlent, la recherche d’une nouvelle forme de spiritualité a largement favorisé un dangereux phénomène : l’expansion des sectes à travers le monde. Et qui dit sectes dit dérives inévitables. Suicides collectifs, manipulation mentale et abus sexuels, cette période fut le fruit d’endoctrinements spirituels sans précédent.

Secte passion suicides collectifs

Entre contre-culture et rejet du capitalisme, dans les années 70, le mouvement hippie rebat les cartes des valeurs traditionnelles qui érigent les sociétés occidentales. Toutefois, la remise en question du rapport à l’Église, à la famille et à l’État ouvre la voie à une quête de sens générale qui part en vrille. La nature ayant horreur du vide, le rejet d’un cadre appelle indéniablement à être remplacé. On assiste alors à l’avènement de nombreuses communautés alternatives revendiquant leur propre spiritualité et vision du monde.

Bien évidemment, certains ont su tourner ces changements à leur avantage et parfois de manière presque machiavélique. Avec le temps, nombre de ces communautés seront désignées comme des sectes. C’est-à-dire un groupe organisé autour d’une doctrine religieuse, spirituelle ou pseudo-scientifique, souvent centré sur une figure d’autorité charismatique (soit un gourou) et dont les pratiques peuvent s’éloigner des normes sociales, voire mettre ses membres dans un état de dépendance.

The People’s Temple fut probablement l’une des sectes qui a connu une des fins les plus tragiques. Fondée dans les années 50 par le pasteur charismatique Jim Jones, le mouvement promet l’égalité raciale et la justice sociale. Il prend véritablement de l’ampleur dans les années 70, menant à une communauté très soudée, multi-ethnique et orientée vers la vie collective et l’autosuffisance. En 1977, Jones fuit les États-Unis avec environ 1 000 fidèles pour s’installer dans la jungle sud-américaine. Il fonde Jonestown. Cette ville auto-proclamée est censée être une utopie socialiste, mais la réalité est tout autre.

Pasteur Jim Jones

Travail forcé, privations, surveillance constante : le pasteur gourou s’avère être un véritable tyran. Lorsqu’un député américain décide de se rendre à Jonestown pour enquêter, il est assassiné à l’aéroport par des membres du Temple. Le soir même, Jim Jones ordonnera un suicide collectif. Au total, ce seront plus de 900 morts, dont 304 enfants, par ingestion de cyanure mélangé à une boisson sucrée. Jones mourra également d’une balle dans la tête. Bien que l’on penche pour le suicide, aujourd’hui encore, les causes de sa mort restent floues. A-t-il suivi ses fidèles après les avoir condamnés dans son délire ? Qu’en pensez-vous ?

Suicide collectif à Jonestown, 1977

Secte passion Yoga

Les années 70, c’est également l’ouverture vers l’Orient. Le développement des médias encourage fortement cette fascination culturelle qui s’inscrit dans une époque de recherche de nouvelle spiritualité. Ces nouvelles technologies rendent alors possible la médiatisation d’événements géopolitiques majeurs comme la guerre du Vietnam. Pour la première fois, on a accès à des images, des vidéos de ce que représente une guerre, sa violence et ses dégâts, notamment sur des populations vulnérables face à la grosse artillerie américaine, et pour beaucoup, c’est un véritable choc.

Il en découle une prise de conscience collective et naît un sentiment de culpabilité général, bien que sous-jacent. En parallèle, et particulièrement aux États-Unis, se développe une fascination pour l’Inde, perçue comme un véritable foyer mystique. Le yoga, le zen, la méditation transcendantale deviennent très à la mode.

Bikram Choudhury, la yogi star des 70

C’est dans ce contexte que naît la yogi star : Bikram Choudhury. Une légende pour certains, une figure très controversée pour d’autres. Originaire de Calcutta, en Inde, il s’initie très tôt au yoga. En tant qu’enfant prodige de la discipline, Bikram se fait rapidement reconnaître par ses pairs et se place en tant que maître et précurseur de son art. Dans les années 1970, il quitte l’Inde pour s’installer en Californie et y fonde son école : le Bikram Yoga. Jusque-là, tout va bien, la success story est en ligne de mire. Son concept : une série fixe de 26 postures, une salle chauffée à 40 °C et un petit corps qui est poussé dans ses limites. Le succès est fulgurant.

Les stars hollywoodiennes telles que Madonna ou George Clooney se l’arrachent et Bikram se présente comme un gourou moderne. Costume noir, montre en or, Lamborghini et accent indien volontairement entretenu : il ne ressemble à personne d’autre. C’est exotique, on adore, il est validé et devient surmédiatisé. Il en profite pour ouvrir des centaines de studios à travers le monde. Des milliers d’instructeurs sont formés et il fait breveter son enchaînement. Bikram Yoga devient un mouvement mondial dans le monde du yoga.

Toutefois, le mythe s’effondre peu à peu. À partir de 2013, plusieurs femmes, élèves ou collaboratrices, l’accusent de harcèlement sexuel, voire de viol. D’autres l’accusent de les avoir volontairement mises sous emprise via le prisme de la spiritualité qu’il prône dans son yoga. Les procès s’enchaînent. Bikram nie en bloc, mais refuse de se présenter devant la justice. En 2017, condamné par contumace à verser des millions de dollars, il fuit les États-Unis. Depuis, Bikram est désormais une figure clivante : pionnier pour les uns, prédateur pour les autres, ou gourou de la plus grande secte de yoga au monde

Sectes et dérives sexuelles

Et puis, il y a eu les sectes aux pratiques morbides, là où l’effet de groupe normalise l’acte. Pour causer prostitution spirituelle et mariages collectifs géants, dans les sectes les plus marquantes et morbides, il y a eux : Children of God (Les Enfants de Dieu) et les Moonistes (Église de l’Unification).

Secte mooniste, 6000 couples mariés en même temps

David Berg fonde d’abord une communauté spirituelle qu’il présente comme prônant l’amour universel. Toutefois, derrière cette façade, il commet une série d’abus sexuels, y compris sur des enfants, qu’il justifie par le prisme de la prostitution spirituelle. Quant aux Moonistes, Sun Myung Moon crée leur mouvement en Corée du Sud. Cette secte prônait que Moon était le nouveau messie venu achever l’œuvre de Jésus. Connue pour ses mariages collectifs géants et son contrôle total sur les fidèles, l’Église imposait une obéissance absolue et exploitait financièrement ses membres.

Aujourd’hui, la plupart de ces sectes aux dérives dangereuses, voire criminelles, ont été démantelées. Mais pas toutes. La recherche d’une communauté fait partie de la nature humaine, et l’envie de vivre l’exceptionnel également. La véritable question est : que nous réserve la suite ? Car, comme le dit si bien le proverbe : l’histoire est un éternel recommencement.

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