Annoncée comme une alternative au franc CFA, la monnaie ÉCO promettait de tourner la page de la Françafrique. Quinze ans après son annonce, le projet patine. Repoussé à 2027, il concentre encore aujourd’hui de nombreuses tensions, entre symboles postcoloniaux, enjeux monétaires et intégration régionale.
Un désir de souveraineté
Le franc CFA reste perçu par une partie de l’opinion publique africaine comme un vestige colonial. La symbolique pose évidemment problème : le terme franc renvoie au passé colonial et jusqu’en 1960, CFA désignait “Colonies Françaises d’Afrique”. Sa gestion par le Trésor français et son arrimage fixe à l’euro entretiennent un sentiment de dépendance. En mai 2020, une première réforme a été actée : retrait des administrateurs français de la BCEAO et fin de l’obligation de dépôt des réserves à Paris. Mais la parité fixe avec l’euro a été maintenue, ce que beaucoup critiquent.
Le projet de l’ÉCO, porté initialement par la CEDEAO, devait permettre à l’Afrique de l’Ouest de créer une monnaie autonome. Finalement, seuls les pays de l’UEMOA, tous utilisateurs du franc CFA, semblent avancer. Pour de nombreux économistes africains, l’éco ne doit pas se contenter de changer de nom : il doit être le levier d’une vraie politique monétaire souveraine.
Un changement de régime de change pour l’ÉCO ?
Actuellement, le franc CFA est lié à l’euro par une parité fixe. Cela assure une stabilité monétaire, mais prive les pays de marges de manœuvre. Une dévaluation pourrait pourtant rendre les exportations plus compétitives. Le triangle de Mundell rappelle qu’on ne peut pas avoir à la fois une politique monétaire autonome, un taux de change fixe et la libre circulation des capitaux.
Changer de monnaie permettrait donc de choisir un autre régime de change, plus adapté aux réalités locales. Un taux de change flottant offrirait plus de flexibilité face aux chocs extérieurs. Mais cela suppose une économie assez solide pour en encaisser les risques.
Une zone monétaire optimale en Afrique de l’Ouest ?
L’ÉCO devait initialement concerner l’ensemble de la CEDEAO. Mais les économies ouest-africaines sont hétérogènes. Le Nigeria, poids lourd de la région, a une inflation élevée, est exportateur net de pétrole et gère sa propre monnaie, le naira. Difficile donc de construire une politique monétaire commune.
La théorie des zones monétaires optimales, développée par Mundell, pose des conditions strictes : chocs économiques symétriques, mobilité de la main-d’œuvre, mécanismes de compensation. Aujourd’hui, la CEDEAO n’en remplit pas toutes les conditions. Mais certains avancent que les échanges historiques et culturels dans la région pourraient compenser.
Finalement, l’ÉCO reste une ambition politique forte. Elle incarne un espoir d’autonomie, de coopération régionale et de renaissance monétaire. Mais pour réussir et sortir du postcolonialisme, elle doit aller au-delà du symbole. Une vraie monnaie commune exige une convergence économique, une volonté partagée et une vision à long terme. D’ici 2027, beaucoup de travail reste à faire.