On le sait déjà, mais la France a souvent eu du mal à gérer l’indépendance de ses colonies. L’histoire de la guerre d’Indochine et d’Algérie en sont des exemples connus. Ce qui l’est moins, c’est l’indépendance haïtienne de 1804 au cours de laquelle la France s’est distinguée par la demande d’une compensation financière pour combler les “manques à gagner” de l’esclavage.
L’indépendance et la révolution haïtienne
En 1697, suite au traité de Ryswick signé avec les Espagnols, la partie occidentale de l’île de Saint Domingue est devenue une colonie française. En raison de son climat tropical, l’économie de plantation y est rapidement devenue majoritaire. Pour répondre au manque de main d’œuvre sur place, les colons français ont rapidement mis en place un commerce triangulaire basé sur les esclaves.
Mais parce que la société sur place était divisée en classes sociales distinctes, avec au sommet de la hiérarchie les colons blancs, et tout en bas, les esclaves noirs, des tensions sont rapidement apparues. Les idées révolutionnaires dans l’hexagone ont également joué un rôle majeur dans le soulèvement haitien. Le 14 Août 1791, la cérémonie du Bois Caïman, un rassemblement dirigé par des chefs esclaves, sonne le début de la révolution.
Durant 13 ans, les forces Haïtiennes ont dû affronter les armées françaises, britanniques, mais aussi espagnoles pour avoir le droit de gagner leur liberté. Mais bien guidées par Toussaint Louverture, un ancien esclave qui est devenu un brillant leader militaire, et Jean-Jacques Dessalines, qui est devenu le premier empereur d’Haïti, elles parviennent à proclamer en 1804 la première république noire de l’histoire: Haïti.
La demande française de compensation financière pour reconnaître l’indépendance d’Haiti
Malgré une indépendance déclarée en 1804, il faut attendre 1825 pour que l’Etat français ne la reconnaisse officiellement. Les conditions de cet accord demeurent très particulières. En 1825, le roi Charles X maintenait Haïti sous embargo maritime. Il menaçait de lancer une nouvelle campagne militaire pour la reconquête de l’ancienne colonie. La seule façon d’éviter cela était qu’Haïti verse une indemnité aux anciens propriétaires d’esclaves français qui avaient perdu leurs “biens” avec l’indépendance de 1804. Ensuite, la France accorderait officiellement son indépendance à Haiti.
Le montant qu’il exigeait était de 150 millions de francs-or. Cela représentait 2 % du produit national brut annuel de la France à cette époque. Aujourd’hui, cela équivaudrait à 40 milliards d’euros. Ce montant représentait également 300 % du revenu national annuel d’Haïti à l’époque. Haïti a accepté de verser cette somme à la Caisse des dépôts et consignations françaises, avec un délai de paiement de 5 ans. Ensuite, la Caisse devait indemniser les anciens propriétaires d’esclaves.
Cependant, les ressources haïtiennes ne pouvaient pas supporter ce paiement. Alors Haïti a eu recours à des emprunts auprès de banques privées françaises. Heureusement pour Haïti et pour ses créanciers français, la balance commerciale du pays est devenue positive. Ainsi, elle a pu rembourser ses dettes tout au long du XIXe siècle.
De 1849 à 1915, les banquiers français ont réussi à extraire chaque année 5 % du produit national brut annuel d’Haïti. Pendant l’occupation américaine de l’île, de 1915 à 1934, le gouvernement français réussit à se débarrasser des derniers crédits que les banquiers français avaient en Haïti. Ce n’est qu’au cours des années 1950 que la dette haïtienne liée à son indépendance a été remboursée.
Finalement, l’indépendance durement acquise par les Haïtiens permet de comprendre les difficultés économiques et sociales encore présentes aujourd’hui. La demande de compensation financière ayant grandement contribué à la pauvreté qui règne sur l’île.