En France, de novembre à mars, les clémentines affluent dans les bacs à fruits. C’est la saison, et nombreux sont ceux qui aiment se balader avec une petite clémentine dans le sac en cas de coup dur. Elle est si pratique à manger. Pourtant, parfois, elle nous surprend, voire nous trahit. Parfois, une fois épluchée, elle est juste truffée de pépins. C’est très agaçant. Il s’avère qu’il y a plus de 100 ans déjà, un certain Clément s’est confronté au problème des pépins. En réalité, la clémentine a un jumeau maléfique : la mandarine, et c’est elle la coupable.
Le frère Clément, un botaniste émérite
La clémentine est en quelque sorte un jeune fruit, car elle n’existe que depuis la fin du XIXe siècle. C’est effectivement une invention de l’homme qui nous vient directement d’Algérie. Son histoire commence entre 1892 et 1900 à l’orphelinat de Misserghin, près d’Oran. À l’époque, l’établissement accueille de nombreux orphelins de France et d’Algérie, et les lieux sont principalement gérés par des moines et des prêtres. Parmi eux se trouve le frère Clément, un prêtre originaire de France. Dès son arrivée à l’orphelinat, celui-ci se passionne pour la botanique et devient rapidement chef des pépinières de Misserghin. Ce qui n’est pas rien car le domaine est vaste, et pour le frère Clément, les 35 hectares de terres vont devenir un terrain de jeu propice à l’expérimentation.

Le climat est parfait pour la culture d’orangers, citronniers et mandariniers. Très vite, le domaine se transforme en une vaste exploitation agricole. C’est dans ce contexte que les premières clémentines sont apparues. Les versions diffèrent quant à sa création. Pour certains, c’est en observant les arbres dans le verger que le frère Clément aurait remarqué les premières clémentines. Se baladant dans le verger, il aurait remarqué un arbre hybride naturel, donnant un fruit légèrement différent de la mandarine, se distinguant par son goût plus doux et son absence de pépins. Le fruit aurait été appelé “clémentine” en son honneur. Pour d’autres, le frère Clément aurait fait un croisement volontaire entre la mandarine et l’orange pour supprimer ces fameux pépins. Ainsi, aurait-il obtenu les premières clémentines !
Le grand lancement de la clémentine
Il faudra attendre l’année 1902 pour voir apparaître la première description de la clémentine dans une revue horticole française. De “mandarine sans pépins” ou “la mandarine du frère Clément”, le fruit prend officiellement le nom de clémentine. Sa commercialisation peut commencer. En tant que pays d’origine, l’Algérie se lance donc dans la production de clémentines. D’autres pays méditerranéens suivent son exemple. Ainsi, l’Espagne, l’Italie et la Turquie deviennent des fournisseurs importants pour les marchés européens. En 1925, la première clémentine française est plantée à Figaretto en Corse par Don Philippe Semidei.

En 1962, avec l’indépendance de l’Algérie, la production d’agrumes du pays diminue. En effet, de nombreux pieds-noirs spécialisés dans la clémentine décident de délocaliser leur savoir-faire en Corse (pour rappel, les pieds-noirs sont des Français installés ou nés en Algérie avant l’indépendance du pays). Au fil des années, la clémentine devient un fruit emblématique de la Corse. Aujourd’hui, 98 % des clémentines françaises sont produites sur l’île de Beauté.
À présent, vous n’aurez, je l’espère, plus de mauvaises surprises avec les pépins. Il suffit d’éviter les mandarines. Et si grâce à cela vous devenez un véritable passionné de clémentine, sachez qu’une fête de la clémentine se tient chaque année en mai dans la commune de Puisserguier.