Les précieuses : l’émancipation féminine au XVIIe siècle 

Au XVIIe siècle en France, les femmes sont légalement et socialement marginalisées, soumises à la tutelle des hommes de leur famille ou de leurs maris. En réaction, des figures comme Catherine de Vivonne et Madeleine de Scudéry ouvrent des salons littéraires, espaces de liberté intellectuelle et de contestation des normes patriarcales. Comment ces salons ont-ils permis aux femmes de défier les conventions ? Comment se sont-elles émancipées à travers le dialogue et la littérature ? C’est ce que vous allez découvrir…

Manière grossière et empattement : le ras-le-bol des précieuses

Au XVIIe siècle, traditionnellement, la loi est défavorable aux femmes. Les moins de 25 ans sont considérées comme mineures et sont placées sous l’autorité d’un père, d’un frère ou d’un tuteur, de même que les femmes mariées sont soumises à leur mari. La liste des options pour gagner son autonomie juridique est réduite. En réalité, il n’y en a que deux : soit rester célibataire, en espérant être bien née et bénéficier d’une rente généreuse, soit devenir veuve, avec l’héritage qui va avec. Mais même en parvenant à s’extirper du joug patriarcal, les femmes n’en demeurent pas moins écartées des sphères du pouvoir et exclues des universités.

Parallèlement, sous Louis XIII, on observe un certain empâtement de l’esprit, un immobilisme criant de la pensée et des manières grossières, qu’on ne feint même plus d’excuser. Nombreuses sont les aristocrates qui s’en agacent. Parmi elles, Catherine de Vivonne, épouse du marquis de Rambouillet. Elle prend ses distances avec la cour et, depuis son hôtel particulier parisien, ouvre, autour de 1610, le premier salon des précieuses. Le bal des « salonnières » est ouvert. Pendant plus de 30 ans, les plus grandes plumes françaises y défileront.

Madeleine de Scudéry et la carte du Tendre : le chemin de l’amour

À partir de 1630, les salons littéraires tenus par ces femmes de la haute noblesse se multiplient. Dédiés à devenir des espaces de conversation, le maniement des mots devient un art. Dans ces espaces de liberté, on cherche à instaurer des rapports entre hommes et femmes plus équilibrés. L’institution même du mariage y est parfois remise en cause. De ce fait, la culture précieuse délaisse les auteurs étudiés à l’université. À présent, hommes et femmes peuvent être mis sur un même pied d’égalité.

Installé dans le Marais, le salon le plus en vogue est celui de Madeleine de Scudéry où des réunions sont consacrées à élaborer « la carte du Tendre ». Entre désir, séduction et tendresse, la carte a pour but d’indiquer métaphoriquement le juste chemin pour accéder à l’Amour. Hommes ou femmes, la route à suivre est la même. La carte est catégorique, il faudra éviter le lac d’Indifférence et être prêt à traverser les villages Galant, Sincérité mais aussi Inégalité, Perfidie.

Carte du Tendre

Les Précieuses Ridicules et la police des mœurs

Le maniérisme des précieuses est poussé à l’extrême. De ce fait, les fauteuils deviennent les commodités de la conversation, les dents « l’ameublement de la bouche », les joues « les trônes de la pudeur », la poitrine « les coussins d’amour ». L’aristocratie provinciale copie le langage affecté des précieuses, ce qui ne manquera pas d’amuser Molière. Si celui-ci apprécie autant la conversation et la compagnie des précieuses, il ne se gêne pas pour tourner en ridicule celles qui se rêvent leurs égales dans Les Précieuses ridicules en 1659.

Portrait de Madeleine de Scudery

La volonté de contrôler les femmes perdure. Par ailleurs, le mouvement prend trop d’ampleur et le pouvoir craint qu’elles ne deviennent toutes des marginales ou des dévergondées prêtes à se prostituer pour gagner leur indépendance. Carrément.

Louis XIV crée une police des mœurs. Les mesures d’internement des prostituées et autres débauchées se multiplient. Au sein de l’élite, seule une poignée d’entre elles bénéficie d’une reconnaissance officielle. Il y a un véritable resserrement des activités autour des occupations masculines. Même les sages-femmes, qui avaient jusque-là l’exclusivité des accouchements, se voient concurrencées par les médecins.

Par la force des choses, le mouvement et les manières des précieuses s’essoufflent. Heureusement, les œuvres littéraires produites par ces femmes, elles, ont traversé les siècles. Certaines, comme La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, comptent aujourd’hui parmi nos grands classiques.

Oubliées de l’Histoire, tournées en ridicule, ces Parisiennes qui lancèrent des modes depuis leur hôtel particulier ont pourtant joué un grand rôle dans la vie culturelle du Grand Siècle. Leur émancipation est certes de courte durée, mais leur exemple, lui, a posé les bases de la femme indépendante.

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