Imaginez une période où tout le monde trouve du travail, achète sa première télé, roule en 2CV et regarde l’avenir avec optimisme. Non, ce n’est pas un conte de fées, mais bien la réalité des Trente Glorieuses, ces années de croissance folle entre 1945 et 1975. Retour sur trois décennies où la France s’est crue invincible… avant la chute.
La renaissance d’un pays au début des Trente Glorieuses (1945-1950)
En 1945, la France est KO, son économie en miettes, son moral au plus bas. Pourtant, elle va se relancer avec une énergie digne d’une finale de Coupe du Monde. Tout commence par une volonté farouche de reconstruction, soutenue par des plans quinquennaux ambitieux et un mot magique : “nationalisation”. EDF, Renault, Air France, tout passe sous pavillon étatique pour mieux reconstruire.
Heureusement, l’Oncle Sam vient à la rescousse avec le Plan Marshall. Un petit coup de pouce financier (et politique) pour réinstaller la France sur la carte de l’industrie mondiale. Pendant ce temps, on restructure l’économie avec les accords de Bretton Woods, histoire d’assurer une stabilité monétaire. Le franc s’accroche au dollar, et tout le monde y croit.
L’industrie redémarre elle aussi à fond. C’est l’ère des grandes usines et du fordisme à la française. On produit des voitures, des trains, des machines à laver. Le béton coule à flot pour loger tout ce petit monde. Et pendant ce temps-là, la population explose avec le baby-boom. La France se repeuple à une vitesse supersonique, et chaque naissance semble annoncer un futur cadre sup’.
En somme, le pays passe du chaos à l’ordre en un temps record, et les bases d’une croissance fulgurante sont posées.

L’âge d’or du confort (1950-1973)
Les années 50 et 60, c’est le jackpot économique. Une croissance annuelle moyenne de 5%, un quasi plein emploi, et un pouvoir d’achat qui grimpe en flèche. Pour les Français, c’est une véritable révolution du quotidien. Adieu la lampe à pétrole, bonjour l’électroménager. Les familles s’équipent de téléviseurs, de réfrigérateurs et de voitures. Ainsi, c’est la naissance de la société de consommation.
En ville, on construit à tout va : les grands ensembles fleurissent, et les Français découvrent les joies du confort moderne. L’automobile devient reine, et avec elle, les autoroutes s’étendent. On part en vacances, on profite des congés payés, et le Club Med devient un repère à parasols colorés.
Sur le plan industriel, la France joue dans la cour des grands. Citroën, Peugeot, Renault exportent leurs voitures, le Concorde prend son envol, et le TGV est en gestation. La révolution agricole mécanise aussi les champs, et la productivité explose. L’État stratège veille au grain, avec des plans de modernisation pour garder le pays dans la course mondiale.
Mais sous les paillettes de la croissance, des fissures apparaissent. La contestation monte, notamment en 1968, quand les étudiants et ouvriers décident que travailler c’est bien, mais avec des droits, c’est mieux. L’économie continue d’avancer, mais l’insouciance commence à s’effriter.

La fin du rêve des Trente Glorieuses (1973-1975)
Puis arrive 1973. Un peu comme dans un film catastrophe, tout s’emballe : l’OPEP (l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) décide de quadrupler le prix du pétrole. Les Français, jusque-là addicts à l’or noir, encaissent le choc en pleine figure. La facture énergétique explose, les entreprises ralentissent, et le chômage pointe le bout de son nez.
Dans le même temps, le système monétaire de Bretton Woods s’effondre. Le dollar n’est plus adossé à l’or, les monnaies fluctuent, et c’est la porte ouverte à l’instabilité économique. Ajoutez à cela un essoufflement du modèle industriel et un baby-boom qui s’arrête net, et vous obtenez la recette parfaite du ralentissement.
La fin des Trente Glorieuses, c’est aussi la fin des illusions. La croissance ralentie, l’inflation s’installe, et le plein emploi devient un souvenir. Les économistes, jamais à court d’humour, rebaptisent les années suivantes les “Trente Piteuses”.
Les Trente Glorieuses, c’était l’époque où tout semblait possible, où l’avenir était une autoroute vers le progrès. Mais comme toute bonne chose, elles ont pris fin brutalement, laissant place à des décennies plus incertaines. Aujourd’hui encore, on les regarde avec nostalgie, en se demandant : à quand les prochaines Glorieuses ?