Manger du poisson est souvent perçu comme un choix sain. Riche en protéines, en oméga-3, et pauvre en graisses saturées, il fait partie des recommandations nutritionnelles dans de nombreux pays. Mais derrière cette image d’aliment « santé », se cache une réalité moins connue : celle de la pollution chimique. Les mers, les lacs et les rivières ne sont plus exempts de contaminants, et certains poissons, en particulier les espèces grasses, peuvent contenir des substances capables d’influencer nos hormones.
Un impact sur les hormones humaines
Le toxaphène est un pesticide interdit aux États-Unis et au Canada depuis les années 1980 et n’a jamais été utilisé autour du lac Supérieur. Pourtant, on le retrouve dans ses poissons. Comment ? Cette molécule très persistante a voyagé sur des milliers de kilomètres via les courants atmosphériques. En se déposant dans les eaux froides du lac, elle s’est stockée dans les sédiments et la chaîne alimentaire.
Le problème, c’est que le toxaphène est un perturbateur endocrinien. Ces substances peuvent mimer, bloquer ou altérer l’action des hormones. Elles interfèrent avec le développement, le métabolisme, la fertilité et le système immunitaire. Chez les femmes enceintes, l’exposition à ces polluants peut nuire au fœtus. Chez les enfants, elle affecte la croissance et le développement cognitif. Les communautés qui consomment régulièrement du poisson sont donc les premières concernées.
Une menace pour les populations locales
Ce sont les poissons les plus gras qui concentrent le plus de toxaphène. Truites, saumons, brochets… autant d’espèces que consomment les communautés locales, notamment autochtones. Le danger est réel pour les femmes enceintes et les enfants.

Nancy Langston, dans son article sur La convergence entre santé humaine et santé environnementale, estime que lorsque il y a des contaminants dans les aliments de subsistance, cela représente beaucoup plus qu’une menace pour la santé physique. Cela a aussi un impact sur la santé spirituelle, mentale et émotionnelle.
Des substances présentes bien au-delà du lac Supérieur
Le toxaphène n’est pas un cas isolé. De nombreuses autres substances toxiques circulent dans les mers, les rivières et les lacs. Le mercure, issu principalement de l’industrie et de l’extraction minière, s’accumule dans les poissons carnivores comme le thon ou l’espadon. Les PCB (polychlorobiphényles), utilisés dans l’industrie électrique jusqu’à leur interdiction, persistent dans les sédiments et contaminent la faune aquatique. Les phtalates et les bisphénols, quant à eux, proviennent de nos déchets plastiques et s’infiltrent dans les milieux marins.
Ces polluants sont présents à l’échelle mondiale. On les retrouve même dans les régions polaires, preuve de leur capacité à voyager sur de longues distances. Résultat : les humains qui consomment régulièrement du poisson ingèrent aussi, sans le savoir, des perturbateurs endocriniens. Les scientifiques alertent : même à faibles doses, ces substances peuvent avoir des effets à long terme sur la production d’hormones.
Une gestion sanitaire très inégale
Plutôt que d’agir sur les causes, les autorités préfèrent publier des avis de consommation pour responsabiliser les populations. On y recommande d’éviter certains poissons ou d’en limiter la quantité. Mais ces conseils sont souvent génériques et mal adaptés aux habitudes alimentaires réelles. Les populations les plus vulnérables — femmes, enfants, peuples autochtones — sont les plus exposées. Or, les seuils de tolérance sont calculés pour un adulte masculin moyen. Un choix politique, dénonce Langston.
Le toxaphène est tenace, mais pas invincible. Il résiste dans les écosystèmes froids, mais une politique environnementale ambitieuse pourrait en réduire les effets. Cela passe par une meilleure justice environnementale, mais aussi par une écoute active des populations concernées.
Finalement, le lien entre environnement et santé humaine n’a jamais été aussi clair. Il est temps d’agir sur les sources de pollution, pas seulement sur les symptômes. Mieux connaître les effets des substances chimiques sur notre système hormonal est un premier pas. Protéger notre santé commence aussi dans nos assiettes.