Peut-être avez-vous déjà suivi pendant quelques minutes le travail minutieux d’un groupe de fourmis. Leurs gestes paraissent petits et insignifiants mais participent pourtant à la construction d’un nid qui a des conséquences sur l’environnement dépassant de loin leur existence. Les fourmis font partie des espèces que l’on peut qualifier d’espèces ingénieures.
Qu’est-ce qu’une espèce ingénieure ?
En écologie, une « espèce ingénieure » (ou « organisme ingénieur ») désigne une espèce qui à travers sa présence et son activité apporte des modifications significatives à un environnement dans lequel vivent d’autres espèces. Elles vont même jusqu’à créer un nouvel environnement qui leur est spécifique. C’est le cas des coraux qui offrent un habitat à de nombreuses espèces. Mais aussi des fourmis dont les nids modifient les propriétés physiques et chimiques des sols. Ainsi que les castors dont les barrages transforment le paysage et de bien d’autres espèces. Certains hyménoptères qui font des nids, comme les guêpes, ne sont en revanche pas considérés comme des espèces ingénieures. Leurs nids n’amènent pas de changements importants dans l’environnement pour les autres espèces.
Les scientifiques ayant introduit ce concept dans les années 1990 ont proposé une classification en deux catégories des espèces ingénieures :
- les ingénieures autogéniques
- les ingénieures allogéniques
Les ingénieures autogéniques désignent les espèces qui modifient l’environnement à partir de leurs propres structures physiques. C’est-à-dire à partir de leurs propres tissus, vivants ou morts. C’est le cas par exemple des coraux ou des arbres dont les structures physiques en elles-mêmes forment des habitats pour d’autres espèces, même après leur mort. Les ingénieures allogéniques quant à elles désignent les espèces qui modifient l’environnement en utilisant les matériaux qu’elles trouvent dans l’environnement et en les transformant. C’est le cas par exemple des castors ou des fourmis qui modifient leur environnement à travers leurs constructions.
Espèces ingénieures autogéniques : l’exemple des coraux
En se développant, les coraux produisent des structures physiques minérales qui modifient directement l’environnement. La présence de coraux module notamment la vitesse des courants, les mouvements des vagues et le taux d’envasement de la zone. Les coraux participent également à la régulation des ressources disponibles pour les autres espèces. Les espèces qui habitent les récifs coralliens dépendent ainsi des conditions que ces récifs créent.
Espèces ingénieures allogéniques : l’exemple des castors
Les exemples d’espèces ingénieures se font plus rares chez les Vertébrés, mais un cas bien documenté est le castor. Les castors utilisent des matériaux de leur environnement, des arbres en l’occurrence, et les transforment pour construire des barrages. Les barrages des castors modifient drastiquement l’environnement. Ils changent le cours de l’eau, des sédiments, le cycle des nutriments, ainsi que la composition et la diversité des communautés animales et végétales qui vivent dans ces milieux. Les habitats créés par les castors peuvent par exemple favoriser la présence de certaines plantes. Les castors restent actifs plusieurs années sur un site mais, même lorsque le barrage est abandonné, les conséquences de ce barrage puis de sa désintégration progressive peuvent perdurer pendant des dizaines d’années.
Les termites, les lombrics, les rats-taupes, les macroalgues… Les exemples d’espèces ingénieures sont bien plus nombreux que ceux cités ici et ont chacun leurs particularités. L’étude de ces processus peut, à l’instar de bien d’autres phénomènes biologiques, inspirer des constructions ou des technologies. Il permet aussi de renseigner sur le rôle des espèces au sein des écosystèmes.