Les larmes du champion Mathieu Van der Poel, petit-fils de Raymond Poulidor, après sa victoire dans la deuxième étape du Tour de France 2021, ont profondément touché les passionnés de cyclisme. Mais savez-vous pourquoi?
Poulidor, un champion sans maillot Jaune

Malgré un palmarès immense, avec notamment une Vuelta (Tour d’Espagne), un Milan-San Remo, une Flèche Wallonne, Raymond Poulidor n’a jamais vêtu le maillot jaune. Pire encore, il détient le record de podiums sur le Tour de France, sans pourtant avoir jamais porté la tenue iconique. À tel point que “Poupou”, son surnom, a donné son nom à une expression, ‘être un Poulidor’, c’est-à-dire être l’éternel second.
Si résumer sa carrière à ce fait serait une erreur, il faut tout de même souligner que nous autres Français nous centrons énormément sur le négatif en matière de sport. Surtout lorsqu’il s’agit du Tour de France, une compétition à laquelle nous sommes très attachés. Il n’y a qu’à voir la passion qui animait le virage Pinot cette année pour la dernière de l’illustre Thibaut Pinot, qui nous aura fait vibrer tant de fois, à deux doigts de remporter le Tour de France 2019, avant un abandon improbable suite à un choc contre son guidon.
“Poupou” le malchanceux
Pour en revenir à “Poupou” et le Tour de France, le champion est passé tout près de l’exploit. Il perd notamment la compétition en 1964 pour 55 malheureuses secondes ( performance tristement battue par Laurent Fignon qui perd le Tour de France 1989 lors de la dernière étape, pour 8 s). Pourtant la victoire lui était presque promise mais lors du contre-la-montre entre Peyrehorade et Bayonne, il crève.
Son mécanicien sort de la voiture avec un nouveau vélo mais trébuche dans le fossé. Résultat, ce dernier se casse la cheville et c’est Poulidor lui-même qui doit aller chercher son deux roues, abimé dans la mésaventure. 1 min de retard à l’arrivée. Rebelote en 1968, alors qu’il est en tête du classement et qu’il se fait renverser par une moto, le contraignant à l’abandon.
La rivalité Anquetil-Poulidor

Ce qui a également marqué les Français, c’est évidemment sa rivalité avec Jacques Anquetil, grand adversaire de Poulidor. L’édition de 1964 en est évidemment l’exemple le plus criant, notamment sur la mythique étape du Puy-de-Dôme, remportée par Poulidor, après un légendaire épaule contre épaule dans la dernière ascension. Plus qu’un affrontement sportif, la lutte Anquetil-Poulidor reflète les fractures sociales de la France des années 60.
L’historien Michel Winock résume bien l’antagonisme entre ces “deux France”:
“Ce goût des Français en faveur de ‘Poupou’, c’est un attendrissement nostalgique pour la société rurale. […] Anquetil est représentatif d’une agriculture moderne. […] Poulidor est la figure du « paysan résigné », qui ne se fait pas d’illusion […]. Anquetil est le symbole d’une économie de marché, spéculative, entreprenante. Il boit du whisky, se déplace en avion. Dans le Tour comme dans la vie, c’est un patron”
Et la France a choisi son vainqueur: elle sera toujours attachée à “Poupou”, ce cycliste romantique qui jamais n’aura jamais gagné le Tour de France, comme Thibaut Pinot après lui et qui pourtant se souviendra encore pour longtemps ces champions extraordinaires