Le 31 octobre dernier, Elisabeth Borne, ancienne première ministre d’Emmanuel Macron, a dégainé son quinzième 49.3 depuis sa nomination, évitant ainsi un nouveau vote du parlement. Mais qu’est ce que cela signifie vraiment ?
Un article en réaction à une 4ème République jugée instable et inefficace
Pour mieux comprendre ce qu’il se passe à l’assemblée nationale, il faut d’abord revenir en 1958. À cette époque, le Général de Gaulle conditionne son retour au pouvoir à la création d’une nouvelle république. Il voulait mettre fin à la 4ème qui donnait selon lui « trop de pouvoir à l’assemblée et aux partis ». Son retour était conditionné à l’obtention des pleins pouvoirs pour mettre en œuvre son programme politique et constitutionnel. On parle alors, pour la 5ème république, d’un régime parlementaire rationalisé. Son objectif est de maintenir sa stabilité et son efficacité, notamment par l’article 49.3.
Les bases pour mieux comprendre le 49.3
Une petite précision est nécessaire: lorsqu’on parle de 49.3, on parle de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution de la 5ème République française datant du 4 octobre 1958. Celle-ci instaure un régime parlementaire. Elle instaure donc un régime qui, en principe, devrait donner beaucoup de pouvoir au parlement composé du Sénat et de l’Assemblée Nationale.
Il faut aussi rappeler que les citoyens élisent tous les 5 ans le Président de la République ainsi que les députés. Ensuite, le Président nomme le Premier Ministre. Celui ci doit cependant être de la même couleur politique que la majorité à l’Assemblée Nationale (les députés). Lorsqu’une majorité de députés n’est pas du même parti politique que le président, c’est la cohabitation ! Il doit alors nommer un Premier Ministre issu de l’opposition.
Mais depuis la réforme constitutionnelle de 2000, le président est élu pour 5 ans au lieu de 7 (tout comme les députés). Cette situation semble donc de plus en plus improbable. Les deux élections ayant lieu coups sur coups, et pour la même durée, les citoyens élisent depuis une majorité à l’assemblée qui est toujours du même parti que le président, lui donnant ainsi beaucoup de pouvoir.
La possibilité de contourner le parlement, un 49.3 anti démocratique ?
C’est en tous cas ce qu’estiment les opposants au régime. Par l’usage de l’article 49 alinéa 3, le premier ou la première ministre peut décider d’engager sa responsabilité politique sur un projet de loi. Il sera alors considéré comme adopté sauf si une motion de censure est votée à la majorité absolue en retour. Les conditions sont celles de l’article 49 alinéa 2. Concrètement, cela signifie que soit la loi est adoptée, soit le gouvernement en place est renversé. C’est pour cela qu’on parle « d’engagement de responsabilité ». Le parlement ne vote plus pour ou contre une loi, il vote pour ou contre la confiance qu’il accorde au gouvernement.
Mais dans les faits, il est quasiment impossible de voter une motion de censure. Les raisons ? Le gouvernement est toujours issu de la majorité à l’assemblée. Mais surtout, depuis la réforme de 2000, le gouvernement a presque toujours une majorité absolue. Ainsi, une seule a été validée en 65 ans. Le gouvernement peut donc engager sa responsabilité et faire passer des lois sans qu’elles ne soient votées au parlement, sans pour autant prendre le réel risque de se faire renverser en retour. Il faut tout de même préciser que depuis 2008, cette pratique se « limite » aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale, avec un « joker » supplémentaire par an.
Finalement, les mobilisations citoyennes semblent être le seul vrai contre pouvoir à cet article. C’était le cas lors de la réforme des retraites en 2023. C’est aussi en raison de l’existence de cet article que certains partis veulent changer de république et de constitution. L’objectif serait de redonner plus de pouvoirs aux députés, et donc indirectement, aux citoyens. Voyons donc quel usage de cet article fera le nouveau Premier Ministre Gabriel Attal. Affaire à suivre…