Le concept d’espèce peut paraître flou aux non-biologistes (et parfois aux biologistes eux-mêmes !). Et pour cause : il n’est pas défini si clairement que cela. Selon le point de vue sous lequel on se place, sa définition peut varier. De plus, ce terme vient souvent avec un tas d’autres termes aussi peu évocateurs aux néophytes ; genre, famille et autres ordres… Voyons tout ça ensemble !
Le concept biologique de l’espèce
Une des définitions les plus communément citées pour expliquer ce qu’est une espèce est sa définition biologique. Vous avez probablement déjà entendu celle-ci ; une espèce est un ensemble d’individus qui peuvent se reproduire entre eux et générer des individus viables et féconds.
Cette définition présente néanmoins des limites. Par exemple, elle n’intègre pas les espèces à multiplication asexuée. On peut aussi s’interroger sur la place dans cette définition des populations d’une même espèce qui sont isolées géographiquement et ne peuvent donc ni se rencontrer, ni se reproduire.
Nous pourrions aussi évoquer le cas des hybrides. Les hybrides sont des organismes qui sont issus d’un croisement entre des individus d’espèces différentes.

Si la majorité des hybrides sont stériles (auquel cas ils ne remettent pas en question la définition biologique citée plus tôt), dans certaines conditions ils peuvent tout à fait donner des descendants. C’est le cas par exemple de l’hybridation entre le vison d’Europe et le putois. Ces deux espèces, proches mais différentes, peuvent donner une descendance femelle fertile. Il faut cependant pour cela que ce soit un putois mâle non-hybride qui se reproduise avec une femelle vison non-hybride. Bien que ce genre de cas ne soit pas répandu et présente parfois une fertilité incomplète, cela peut remettre en question la définition biologique de l’espèce.
L’espèce sous tous les angles
D’autres définitions peuvent se substituer à celle vue au-dessus, ou la compléter. L’une d’elles, très utilisée en pratique, est celle de l’espèce morphologique. Selon celle-ci, une espèce regroupe tous les individus qui partagent des traits morphologiques identiques (taille, anatomie générale, coloration…). En gros, on regroupe ensemble des individus qui se ressemblent. Cette définition a cependant aussi ses limites. Où mettre le pointeur exactement ; quand considère-t-on que des individus se ressemblent suffisamment ou pas ? Que faire des espèces cryptiques (des espèces différentes à la morphologie pourtant quasiment identique) ? Ou des différences morphologiques qui existent parfois au sein d’une même espèce ?

Néanmoins, c’est dans de nombreux cas la morphologie qui permet l’identification des espèces. De plus, cette définition intègre aussi bien les organismes sexués qu’asexués. Elle peut même s’utiliser pour les fossiles, contrairement à la définition biologique. Cette définition peut s’utiliser ainsi ou compléter la précédente. On pourrait alors définir une espèce comme un ensemble d’individus qui se ressemblent morphologiquement et peuvent se reproduire entre eux.
Plus rarement évoqué, on pourrait aussi citer le concept d’espèce écologique. L’espèce écologique ajoute aux aspects biologiques et morphologiques une notion d’habitat et de « place ». Une espèce regroupe alors des individus qui ont le même rôle et exploitent les mêmes ressources dans un écosystème donné. D’autres concepts existent, comme celui d’espèce évolutive, phylogénétique, phénétique ou encore cohésive. Bref, vous l’aurez compris, l’espèce peut se définir de multiples façons !
Espèce, genre, famille… le bazar du vivant expliqué
Si vous avez cliqué sur cet article, c’est peut-être que vous n’avez aucune notion en systématique ou en taxinomie (des branches des sciences du vivant qui se chargent de décrire et d’organiser en catégories les organismes vivants). Les termes d’espèces, de genres, de familles, d’ordres ou d’embranchements vous perdent probablement. L’espèce est en fait le plus petit niveau en taxinomie. Chaque espèce est classée dans un genre, qui est classé dans une famille et ainsi de suite. Un genre peut contenir plusieurs espèces, une famille plusieurs genres et cetera.
On peut voir tous ces classements comme plein de petites boîtes rangées dans de plus grandes boîtes qui peuvent en contenir plusieurs. L’espèce est la plus petite boîte, qui peut être contenue avec d’autres dans des boîtes de plus en plus grandes.

Un exemple : le chien viverrin
Prenons pour exemple un animal, mettons le chien viverrin, un canidé originaire d’Asie. “Chien viverrin” est le nom vernaculaire (commun) de son espèce, dont le nom scientifique est Nyctereutes procyonoides. Si l’on part de cette unité de base, l’espèce, et que l’on remonte, on a d’abord son genre ; Nyctereutes. Ce genre pourrait comporter d’autres espèces, alors très proches du chien viverrin (dans son cas, il est la seule espèce de son genre à subsister). Ce genre est compris, avec d’autres genres, dans la famille des Canidés. La famille des canidés est à son tour comprise, ainsi que d’autres familles, dans l’ordre des carnivores. L’ordre des carnivores fait partie de la classe des mammifères, qui font partie de l’embranchement des chordés. Enfin, l’embranchement des chordés est contenu dans le règne des animaux, lui-même dans le domaine des eucaryotes.
Les sciences du vivant sont un monde fabuleux et passionnant, mais empli de termes peu accessibles aux moins connaisseurs. Elles sont également riches de concepts qui ne sont pas figés et peuvent parfois évoluer avec l’avancée de recherches sur le sujet. C’est le cas de la notion d’espèce, qui présente de nombreuses définitions possibles comportant chacune leurs limites.