Au Rwanda, plus de 60 % des députés sont des femmes : un chiffre atteint nul part ailleurs. À l’échelle mondiale, la part des femmes siégeant au Parlement tourne autour de 26 %. En France, les femmes comptent pour 37 % des députés de l’Assemblée Nationale. Partout, le Rwanda est cité comme un modèle d’égalité entre les sexes. Néanmoins, jusqu’où cette égalité va-t-elle ?
Un féminisme Rwandais aux racines sombres
Dans les années 1990, l’antagonisme entre deux groupes de population, les Hutus et les Tutsis, s’aggrave. De cette rivalité ancienne alimentée par la colonisation belge, a découlé un génocide marquant l’Histoire par sa barbarie, sa rapidité et son ampleur. D’avril à juillet 1994, près d’1 million de personnes ont été exterminées au Rwanda. Le génocide des Tutsis a laissé des centaines de milliers de femmes veuves et d’enfants orphelins. Après le génocide, près de 70% de la population était féminine. Le destin du pays a été laissé entre leurs mains.
Les femmes ont donc été contraintes de jouer tous les rôles, même ceux traditionnellement masculins. Mais en plus de reconstruire le pays, il fallait reconstruire ses habitants. Des milliers d’organisations locales ont été créées, majoritairement centrées sur l’entraide et la gestion des traumatismes. Ces espaces ont permis aux femmes de s’organiser, d’acquérir une certaine autorité qui s’est, peu à peu, traduite sur la scène politique nationale.
À la suite d’une longue période de transition, le rôle acquis par les femmes a été gravé dans la nouvelle Constitution de 2003. L’égalité homme-femme y est inscrite comme un principe fondamental, en instaurant notamment un quota de 30% de femmes dans les instances étatiques. La propriété des terres leur est officiellement accordée en 2005. Plusieurs lois concernant les violences sexuelles et sexistes sont adoptées.
Paul Kagame, où l’utilisation d’un féminisme Rwandais de façade
Le président Rwandais, élu en 2000, reçoit tous les honneurs concernant sa politique en matière d’égalité. Mais serait-ce une façade ? En effet, le pouvoir de P. Kagame a été plusieurs fois qualifié d’autoritaire et de répressif en matière de respect des droits de l’Homme, notamment concernant ses opposantes politiques. Diane Rwigara, qui voulait se présenter contre lui à la présidentielle de 2017, a été emprisonnée après son dépôt de candidature. Le même sort a été réservé à Victoire Ingabire, cheffe d’un parti d’opposition et incarcéré en 2010.
Ainsi, il semblerait qu’au-delà des chiffres records, le pouvoir des femmes soit limité par le bon-vouloir du parti de P. Kagame. Dans la théorie, les droits ont été obtenus. Cependant, peu de femmes peuvent pleinement les utiliser. C’est le même phénomène en dehors des sphères politiques. En effet, les niveaux de violences faites aux femmes restent très élevés. Elles sont nombreuses à craindre d’être battues, des violences qui sont banalisées pour beaucoup. Selon la Banque Mondiale, en 2015, plus de 40 % d’entre elles déclarent que la violence conjugale est justifiée si elles sortent sans informer leur mari ou si elles refusent d’avoir des relations sexuelles avec celui-ci.
Le passé sanglant du Rwanda a obligé les femmes à prendre le destin du pays en main. Sans autre choix, les femmes ont investi les places qui leur revenaient naturellement. L’inscription de ces droits dans les textes officiels et la forte présence féminine dans les institutions ont valu au Rwanda le titre de “Paradis pour les femmes”. Néanmoins, il semblerait que leur présence ne soit pas synonyme de réel pouvoir ni d’égalité, que ce soit dans la sphère publique ou privée.