Société secrète ou groupe d’influence, depuis la nuit des temps, la franc-maçonnerie fascine autant qu’elle intimide. Les plus suspicieux diront même qu’elle dicte les règles de nos sociétés dans le plus grand secret. Selon elle, elle encourage ses membres à œuvrer pour le progrès de l’humanité. Reste à définir la notion de progrès. Si aujourd’hui encore de nombreux mystères entourent cette organisation, son histoire nous est bien connue. Retour sur la naissance d’une société à moitié secrète.
Écosse : le rituel de fraternisation
Que ce soit aux États-Unis, dans les pays scandinaves, anglo-saxons ou même en France, un nuage de mystère entoure les rites et les pratiques de la franc-maçonnerie. Les moyens pour devenir franc-maçon sont flous. Sur Internet, on trouve toutes sortes d’informations contradictoires associant parfois la franc-maçonnerie à des pratiques occultes. Toutefois, avant de parler d’ésotérisme et de rituels mystiques, certaines pratiques maçonniques sont bien connues et semblent inoffensives.
C’est le cas du rituel d’initiation. Bien qu’il varie selon les pays et les types de loges, cette cérémonie est un moment significatif pour les nouveaux membres. Le candidat y prête serment et peut parfois être amené à suivre des enseignements destinés à intégrer les valeurs morales, éthiques et spirituelles de la franc-maçonnerie. Si la franc-maçonnerie semble être un sujet sérieux et très codifié, ça n’a pas toujours été le cas. En effet, en remontant à ses origines, on est surtout plongé dans le folklore de l’Écosse du Moyen Âge.


Serrer la main du diable : les premiers bizutages
Les toutes premières traces des rites de franc-maçonnerie semblent remonter à l’année 1598 en Écosse. Tout part d’une pratique courante et bon enfant qui se passe sous le toit des maisons bourgeoises : le rituel de fraternisation. Traditionnellement, tout nouveau domestique ou nouvel apprenti chez un maître devait participer à une cérémonie de bienvenue. La coutume variait selon les lieux et les métiers, mais elle était souvent synonyme de chahut et de grosses farces. Pour clôturer la cérémonie, le petit nouveau devait “serrer la main du diable” c’est-à-dire qu’il se faisait shampouiner la tête avec du whisky avant de payer sa tournée générale.
Finalement, la vie, c’est simple : rien de tel qu’une bonne timbale avec les collègues pour briser la glace. Néanmoins, à l’époque en Écosse, ce sont principalement les calvinistes qui dictent les règles des bonnes mœurs. Fréquemment décrits comme des protestants austères, ils voient le rituel de fraternisation d’un très mauvais œil. Des mesures d’interdiction sont lancées et en 1639, un édit interdisant les boissons, l’excès et le chahut est voté. Bien sûr, le goût de l’interdit ne fera que renforcer l’attrait pour le rituel. Aussi chaotiques et informels qu’ils fussent, ces rituels eurent alors un impact énorme à l’âge d’or des sociétés secrètes.
Les frères de la guilde : la naissance de la franc-maçonnerie
Au Moyen Âge, des confréries de métiers garantissaient à leurs membres une formation et un soutien en cas de coups durs. C’était notamment le cas pour les maçons et les bâtisseurs. Les plus anciens, les compagnons, formaient les plus jeunes, les apprentis. Pour se retrouver, ces groupes avaient ce qu’ils appelaient “des loges” qui désignaient un lieu physique. Bien souvent chez les maçons, c’était un bâtiment annexe à l’édifice en construction, où l’on rangeait les outils, où l’on se reposait et où l’on débriefait le chantier.
Parmi les confréries de métiers, il y avait entre autres les tailleurs de pierre, aussi appelés “Les frères de la guilde”. Ils se retrouvaient principalement pour promouvoir et développer l’art de bâtir et s’assurer de la transmission de leur savoir-faire. Bien que plus solennel que ceux auxquels s’adonnaient les domestiques des maisons bourgeoises, les confréries pratiquaient également un rituel d’intégration. Toutefois, suite à l’édit d’interdiction de 1639, la guilde commence elle aussi à agir dans le secret. Réunions, mots de passe, lieux secrets : progressivement, elle prend des allures de société secrète.

Elias Ashmole : intégration décisive
En 1646, les intégrations à la guilde d’Elias Ashmole et de son frère auront une importance capitale dans l’histoire de la franc-maçonnerie. Pour la première fois, les frères de la guilde ouvrent leurs portes à deux hommes qui n’appartiennent pas au domaine de la construction. Dans les décennies qui suivirent, la franc-maçonnerie achèvera sa transformation : d’une guilde médiévale de tailleurs de pierres, elle devient une organisation initiatique rassemblant des hommes de différents horizons et classes sociales. Les différentes loges s’ouvrent à des notables locaux. On y vient pour échanger, réfléchir, former un réseau de sociabilité. Aristocrates, artistes, scientifiques, aubergistes rejoignent ces groupes et deviennent des “maçons acceptés” ou “libres”. En anglais, Gentlemen mason ou “free masons”.

Par ailleurs, Elias Ashmole n’est pas n’importe qui. En effet, en Angleterre, Charles II le tient dans ses petits papiers. À cette époque, la guerre civile anglaise (1642-1651) prend fin, il rentre de son exil et reprend sa place sur le trône. Le nouveau roi récompensera alors la fidélité d’Ashmole à la cause royaliste et le soutiendra financièrement. Ashmole, resté un franc-maçon actif, en fera profiter sa loge. Les faveurs du roi feront bonne impression et permettront largement de populariser le concept de franc-maçonnerie en Angleterre. En 1717, quatre loges anglaises se retrouvent pour former un corps de gouvernement maçonnique. Les bases d’une véritable société secrète se posent alors et La franc-maçonnerie se répandra rapidement dans toute l’Europe.
Aujourd’hui, la franc-maçonnerie est surtout présente aux États-Unis, au Canada, au Brésil, en Argentine, en Australie et en Europe. En France, on estime qu’il y a environ 1500 loges maçonniques. À l’échelle d’une ville, on parlera surtout de groupes d’influence. À une échelle plus large, les termes “sectes” et “sociétés secrètes” prennent davantage de sens. Mais je ne pourrais pas vous en dire plus à ce sujet. Contrairement à ce que vous pourriez croire après cet article, je ne suis pas franc-maçonne.