Un ciel nocturne constellé d’étoiles, une lune brillante dans le coin supérieur droit, des volutes bleues et blanches semblables à des vagues, et un village provençal au premier plan. Pas de doutes, vous observez bien le célèbre et énigmatique tableau La Nuit Étoilée. Une toile peinte en 1889 par Vincent Van Gogh. Mais aussi reconnaissable que celui-ci puisse être, connaissez-vous vraiment ce chef-d’œuvre du post-impressionnisme ?
La vie tourmentée de Vincent Van Gogh
Vincent Van Gogh naît en 1853. Néerlandais issu d’une famille bourgeoise, il quitte sa patrie d’origine pour rejoindre Paris vivre de sa peinture, après avoir échoué à devenir pasteur. Mais il faut savoir que Vincent Van Gogh est un homme possédé, torturé. On dit de lui qu’il est dément, qu’il entend des voix.
Sans succès et dépassé par la frénésie parisienne, il déménage à Arles en 1888, dans la célèbre maison jaune. C’est en Provence qu’il peint ses toiles les plus iconiques, comme La Chambre à Coucher ou Les Tournesols. C’est aussi en Provence que ses troubles se manifestent le plus.
Par exemple, tandis qu’il échafaude un projet de communauté d’artistes avec son ami Paul Gauguin, une dispute avec ce dernier le plonge dans une crise de folie. Une crise qui le pousse vraisemblablement à se couper sa propre oreille.
Rejeté par ses voisins Arlésiens effrayés par ses crises à répétition, le peintre décide par lui-même de se faire interner au monastère de Saint-Paul-de-Mausole, à Saint-Rémy-de-Provence. Cette période d’internement est aussi l’une de ses périodes les plus productives. Dans cet asile aux pratiques progressistes, Van Gogh peint quotidiennement.
Bien qu’autorisé à sortir, l’artiste est contraint à rester le plus clair de son temps dans sa modeste chambre. Il peint alors la vue que sa fenêtre lui offre. C’est ainsi que, comme en attestent les positions des astres, aux environs des 4h40 du matin le 25 mai 1889, le peintre exécute les premiers traits de La Nuit Étoilée.
La figure de proue du style post-impressionniste
Après avoir quitté Paris, le peintre développe un style qui le rend véritablement unique. Sous le soleil du Sud, il devient l’un des artistes les plus prolifiques de son temps. Son style caractéristique fera de lui l’un des peintres emblématiques du post-impressionnisme.
En effet, face à l’arrivée de la photographie au XIXe siècle, le mouvement impressionniste délaisse le réalisme de ses toiles, afin de mettre l’accent sur les sensations vécues par le peintre. Le post-impressionnisme, lui, dans lequel s’inscrit Van Gogh, cherche à repousser les limites de la peinture, pour en accentuer les effets. On le distingue par un rendu déformant les perspectives et exagérant les couleurs, les rendant presque cartoonesques.
Les toiles que peint Van Gogh dans le sud de la France sont à placer dans cette catégorie : il n’hésite pas à déformer la réalité, à accentuer les couleurs… Bref : c’est un peintre qui met le paquet. Pourtant, Van Gogh n’a que très peu de succès. Certes, dans les milieux artistiques on lui reconnaît un véritable talent, mais de son vivant, personne ou presque ne lui achètera ses toiles.
Comment percer les mystères de La Nuit Étoilée ?
Mais cette nuit du printemps 1889, Van Gogh ne se contente pas uniquement de peindre la vue depuis sa chambre.
Tout d’abord, il faut noter que ni les pics des Alpilles, visibles à droite, ni le village de Saint-Rémy ne se trouvaient à portée de vue du peintre. L’architecture de son clocher est typiquement flamande, plutôt que provençale. Enfin le cyprès, au tout premier plan est une pure invention, lui aussi. Savoir que ce paysage est en réalité physiquement impossible est loin d’être anecdotique : le peintre ne se contente plus de peindre ce qu’il a sous les yeux, il ajoute une touche personnelle et symbolique à son œuvre, il travaille en partant de sa mémoire.
Ces informations nous apportent d’intéressants indices sur l’état de Vincent Van Gogh au moment de réaliser cette toile. Le cyprès, conifère typique du sud de la France, est aussi connu pour peupler les cimetières. Sa position n’est pas anodine : il relie la Terre au Ciel. Le contraste entre le ciel agité, percé d’étoiles, animé par des volutes de nuages et la tranquillité du village en contrebas souligne peut-être aussi son décalage avec le monde, la difficulté pour le peintre d’y trouver sa place ou son envie de s’en émanciper.
Mais la signification du tableau fait encore débat. Tantôt vu comme sinistre ou comme doux, une chose est certaine : Van Gogh lui-même le considérait comme raté. Il le confie à son frère, et n’y accorde pas plus d’importance au moment de s’ôter la vie, à peine un an plus tard.
Les tourments de Vincent Van Gogh finissent par avoir raison de lui en juillet 1890, à 37 ans. Il meurt dans l’anonymat le plus total, avec pour seul proche son frère et mécène Théo, qui le rejoindra 6 mois plus tard au cimetière d’Auvers-sur-Oise.