Lorsque nous évoquons les abeilles, nous pensons souvent à l’abeille domestique, une espèce sociale qui produit du miel. Nous la connaissons pour son précieux produit sucré, son regroupement en colonies dans des ruches, ses capacités cognitives… Pourtant, cette espèce, ainsi que les autres abeilles sociales, ne représentent qu’une portion très minime de la formidable diversité qui existe réellement chez les abeilles. Ce groupe riche de plus de 20 000 espèces réparties dans le monde entier est en fait principalement constitué d’abeilles qui sont solitaires.
La vie discrète des abeilles solitaires
Les abeilles solitaires font partie du même groupe que l’abeille domestique et partagent quelques similitudes avec cette dernière. Comme elle, ce sont des insectes pollinisateurs, qui recueillent leur nourriture sur les plantes. Ce sont toutes des espèces à cycle dit holométabole, c’est-à-dire dont les individus passent par une métamorphose complète. Les larves sont ainsi très différentes de la forme adulte. Et chez les abeilles, la grande majorité des espèces s’occupe de sa progéniture, en leur offrant un nid et en récoltant de la nourriture pour elles.
Les abeilles solitaires sont néanmoins plus discrètes que leurs cousines, notamment parce qu’elles ne se regroupent pas dans une ruche avec un très grand nombre d’individus. Elles vivent en solitaire, n’interagissant avec leurs pairs que pour la reproduction ou éventuellement se battre pour des sites de nidification. Ces derniers passent aussi plus inaperçus, puisqu’il s’agit souvent de simples trous dans le sol ou dans divers supports.

Les abeilles solitaires ont également souvent tendance à moins intéresser les humains. Ne produisant pas de miel, elles ne sont pas exploitables dans ce but.
Le vaste univers des abeilles sociales
Si la plupart des abeilles solitaires vivent dans des cavités dans le sol ou le bois, il y a dans le lot quelques originales. Certaines d’entre elles peuvent même habiter des carapaces abandonnées d’escargots ! Les abeilles solitaires sont d’ailleurs souvent classées selon leur comportement et leurs habitudes concernant leur nid. On peut distinguer notamment, de manière non-exhaustive :
- les abeilles terricoles, qui nidifient dans des cavités formées dans le sol (exemple : les andrènes)
- les abeilles maçonnes, qui utilisent de la boue pour façonner leurs nids, généralement dans des cavités déjà formées (exemple : l’osmie cornue)
- les abeilles charpentières, qui creusent elles-mêmes des trous dans le bois mort (exemple : les xylocopes)
- les abeilles tapissières, qui se servent de feuilles découpées pour aménager leur nid (exemple : l’abeille découpeuse Megachile rotundata)
- les abeilles cotonnières, qui exploitent les fibres des plantes pour reboucher leur galerie (exemple : Anthidium manicatum et d’autres espèces du genre Anthidium)
- les abeilles résine, qui utilisent de la résine de conifères pour leur nid (exemple : l’anthidie naine)
Catégorie un peu à part : les abeilles coucous, qui ne se fatiguent pas à construire un nid. Au lieu de ça, elles repèrent le nid d’une autre abeille solitaire et y pondent leurs œufs. Ainsi, elles n’auront que peu d’efforts à fournir pour s’assurer de leur descendance. Celle-ci sera logée et nourrie par l’abeille dupée.

Il est intéressant de noter que les abeilles solitaires ne sont pas seulement variées en termes de comportements, mais aussi en formes ou en colorations. Certaines d’entre elles s’éloignent très nettement de l’idée de l’abeille de forme allongée, rayée de noir et de jaune ! Même la taille peut fortement varier. Certaines mesurent seulement quelques millimètres, tandis que l’espèce la plus grande peut quasiment atteindre les 4 cm ! Un record détenu par les femelles de l’abeille de Wallace (Megachile pluto).
Des abeilles invisibilisées et en danger
Les abeilles solitaires ne bénéficient pas des mêmes connaissances et de la même popularité que l’abeille domestique. Pourtant, elles sont indispensables à une pollinisation couvrant la plus grande gamme possible de plantes. En effet, à elles toutes, elles pollinisent une très grande variété de végétaux, dont certains sont négligés par l’abeille européenne. Pour une pollinisation efficace et intégrale, la préservation de cette diversité d’espèces est indispensable !
Malheureusement, de nombreuses menaces pèsent sur ces abeilles. La détérioration de leurs habitats, l’usage important de pesticides ou la raréfaction de leurs ressources les mettent en danger. Elles peuvent également se trouver en compétition avec l’abeille européenne et être atteintes par des parasites ou des virus.
Pour aider à leur préservation, plusieurs actions peuvent faire sens.

D’abord, encourager une agriculture biologique et raisonnée, limiter l’usage des herbicides et pesticides ou encore laisser des bandes fleuries dans les cultures. Il est important également d’éviter la suppression des fleurs sauvages, notamment via les fauchages systématiques des bords de routes. Chez soi, installer des plantes variées et laisser des parcelles sauvages peut favoriser la venue d’espèces d’abeilles diversifiées. Il est possible également d’installer un abreuvoir avec des supports à l’intérieur et de laisser des tas de terre ou de bois à disposition. Les abeilles solitaires peuvent ainsi les utiliser pour nicher.
Les abeilles solitaires représentent la grande majorité des espèces d’abeilles présentes dans le monde. Discrètes et plus méconnues que l’abeille domestique et son délicieux nectar, elles présentent pourtant une incroyable diversité. Malheureusement, elles font face à de nombreuses menaces. Si vous possédez un balcon ou un jardin, envisagez de leur y laisser une place !