Si l’on vous parle d’archéologie, vous visualiserez assez bien de quoi il s’agit ! Bien loin de l’image d’Indiana Jones avec son chapeau et son lasso pour combattre les nazis et les extraterrestres, l’archéologue fouille le sol à la recherche de traces du passé. Mais alors, qu’est-ce donc que l’archéologie “expérimentale” ? Cette discipline auxiliaire de l’archéologie se concentre sur les procédés, les techniques, les savoir-faire du passé, que l’on tente de comprendre à travers l’expérimentation. Là où l’archéologie se concentre sur les traces visibles, l’archéologie expérimentale tente de reconstituer l’invisible.
Naissance et développement de l’archéologie expérimentale
L’Homme a toujours adoré reconstituer le passé ! Déjà à l’époque romaine, les reconstitutions de grandes batailles étaient courantes. Le Colisée par exemple pouvait être “inondé” pour reconstituer des batailles navales que Rome avait gagnées.
Plus tard, au Moyen Âge, l’Europe est restée nostalgique du passé glorieux de Rome. Il est courant que les monarques de l’époque reprennent des images qui font écho à cette grandeur. François Ier s’est par exemple beaucoup comparé à Hannibal. Louis XIV s’est lui comparé à Alexandre le Grand, car comme lui, il était jeune, conquérant, et il épousa la fille de son ennemi.
Malgré cet attrait prononcé pour le passé, on ne parle pas encore d’archéologie à cette époque. Le véritable tournant de la discipline, c’est Napoléon III. Passionné d’histoire antique, c’est lui qui va ordonner des fouilles à Alésia par exemple.
Cela développe l’archéologie moderne, et pousse les historiens du XIXe siècle à s’intéresser véritablement à l’histoire de la France, avant les Francs. Il ordonna même des fouilles en Grèce, Turquie et au Moyen-Orient, ce qui permit de ramener des trésors archéologiques en France et ce qui participa grandement à agrandir la richesse des musées parisiens.
Grâce à ces fouilles, les historiens disposent maintenant de sources archéologiques, ce que l’on nomme plus précisément des artefacts. Avant ça, ils basaient leurs connaissances du passé seulement grâce aux sources écrites, comme le Commentaires sur la guerre des Gaules, écrit par César, et sur les sources iconographiques, c’est-à-dire les représentations de l’époque comme la peinture ou la sculpture.
Après les fouilles d’Alésia, les choses changent ! Grâce à ces artefacts, on peut maintenant tester certaines choses pour voir si elles correspondent aux écrits et aux descriptions qui nous sont parvenus. Napoléon III demande, par exemple, de reconstruire et de tester les catapultes romaines. Le souverain fera même construire, en 1860, une trirème romaine, un navire de guerre romain.
Et n’y voyez pas là le délire mégalomane d’un empereur. Non non, il s’agit bien d’un projet à vocation scientifique ! Le but est de comprendre les méthodes de construction des Romains. L’archéologie expérimentale est alors née.
Expérimenter en reconstituant
L’archéologie expérimentale est donc un domaine de la reconstitution. Et par reconstitution, on entend une démarche qui se veut respectueuse des sources historiques pour se rapprocher le plus possible d’une méthode ou d’un savoir-faire ancien.
La reconstitution présente un avantage majeur pour la compréhension du passé. En testant directement les choses, on les comprend forcément beaucoup mieux. Prenons un exemple simple pour imager tout ça. Un archéologue peut trouver des outils médiévaux dans des fouilles. L’artisan peut les reproduire à l’identique en utilisant les moyens d’aujourd’hui. Mais savoir comment se maniaient ces outils, et à quoi ils servaient passe forcément par une forme d’expérimentation. Voilà le rôle des reconstituteurs !
Lorsque la reconstitution est assez précise, elle permet de faire des tests et d’expérimenter, de manière très poussée. En faisant des séries de tests basés sur différentes hypothèses, les chercheurs se rapprochent d’une forme de vérité. L’expérimentation va plus loin que la simple reconstitution. On ne se contente pas de reproduire un objet du passé, mais on le fait en utilisant des procédés et des techniques qui sont eux aussi d’époque.
En France, le château de Guédelon est la meilleure référence ! Ce chantier de construction expérimental commencé en 1997 a pour objectif de construire un château du Moyen-âge en utilisant seulement des techniques et des matériaux de l’époque médiévale. En reprenant des méthodes de construction du XIIIe siècle, le chantier permet aux historiens et aux archéologues d’analyser un projet de construction sur le long terme, tout en isolant des méthodes de travail spécifiques. Le château est entouré d’ateliers (forge, tailleur de pierre, bûcheron..) qui participent tous activement au chantier.
Archéologie expérimentale: Rendre la médiation vivante
Les historiens, archéologues et autres chercheurs touchent parfois des limites, puisque l’Histoire se base sur des faits, sur des objets. Mais l’absence de preuves n’est pas la preuve de l’absence ! La démarche d’expérimentation peut permettre de repousser ces limites pour mieux comprendre les conditions de vie du passé.
Et mieux comprendre l’Histoire offre la possibilité de mieux en parler. L’archéologie expérimentale est aussi un extraordinaire moyen de médiation culturelle. Car si l’histoire se raconte, elle peut aussi se vivre ! Là où l’Histoire raconte des faits, ou analyse le passé, l’archéologie expérimentale et la reconstitution montrent au public comment était la vie d’autrefois. En construisant des bâtiments, en fabriquant des objets avec une méthode ancienne, ou encore avec la mise en scène de spectacle ou de reconstitution de bataille, l’archéologie expérimentale permet de créer une image vivante d’une époque visée.
C’est par exemple le cas avec les Grands Jeux Romains de Nîmes. Chaque année, la ville romaine organise l’un des plus grands spectacles de reconstitution historique d’Europe dans ses mythiques arènes. Défilé, combats de gladiateurs, reconstitution de bataille, banquet romain.. Tout est fait pour plonger le spectateur dans un univers qui se veut fidèle à la réalité historique, reprenant les techniques et les savoir-faire de l’époque romaine. Les Grands Jeux ne se limitent donc pas au simple spectacle, mais visent à reconstituer fidèlement la vie quotidienne romaine l’espace d’un week-end.
Faire avancer la recherche, améliorer notre compréhension du passé, et tenter de transmettre le tout avec passion… Voilà les différentes missions de l’archéologie expérimentale. Cette jeune discipline tente de combler les zones d’ombres du passé, et plus précisément l’invisible. Le tout en tentant de faire vivre ce passé pour un public contemporain.