Le triangle de Bir Tawil: la terre que personne ne veut

Vous avez déjà sûrement contemplé une carte du monde, un planisphère ou un globe, mais aviez-vous remarqué la particularité de la frontière entre l’Égypte et le Soudan ? Les plus attentifs d’entre vous auront certainement relevé un fait peu commun: la frontière se termine en pointillé et forme approximativement deux triangles. L’un des deux porte le nom de Bir Tawil, une des dernières “terra nullius”, une terre que personne ne veut. 

Présentation: Le Bir Tawil, entre Égypte et Soudan

Faisons d’ores et déjà un état des lieux pour bien comprendre pourquoi cette terre est rejetée par le Soudan et l’Égypte. Cette affaire concerne en réalité deux territoires: le triangle de Bir Tawil, une terre désertique inhabitée d’environ 2 000 km², et le triangle de Hala’ib, dix fois plus grand avec ses 20 000 km².

Bir Tawil n’est ni soudanais, ni égyptien. Les deux pays se renvoyant la balle quand il s’agit de savoir qui gouverne sur ce territoire. Fait peu commun je vous l’accorde, nous sommes plutôt habitués à voir des pays se battre pour l’inverse ! Mais alors pourquoi personne ne veut du Bir Tawil ? 

Et bien si les deux pays se rejettent mutuellement le Bir Tawil c’est avant tout parce que les deux se disputent la revendication du triangle voisin: Hala’ib. 

Carte de la frontière Egypte - Soudan
Carte de la frontière Égypte – Soudan

Premier découpage du Bir Tawil: les origines coloniales 

Cette situation de conflit frontalier commence, comme trop souvent, par un tracé arbitraire des anciennes puissances coloniales. En 1899, les Britanniques décident de tracer la frontière entre l’Égypte et le Soudan sur le 22ème parallèle Nord. Résultat ? Une belle ligne droite de 1 240 km de long, qui va de la Libye jusqu’à la Mer Rouge. 

La frontière sera modifiée par la suite. Pour mieux respecter les territoires des tribus de chacun des deux pays, Égyptiens et Soudanais, encore sous domination britannique, se mettent d’accord pour corriger le tracé de leur frontière commune. Hala’ib devient un territoire soudanais, et le Bir Tawil devient égyptien pour mieux respecter les pâturages utilisés par une tribu d’Assouan : le peuple nomade des Ababdehs.

Modification de la frontière en 1902
Modification de la frontière en 1902

Mais en 1922, l’Égypte obtient son indépendance sur les Britanniques. 30 ans plus tard, c’est au tour du Soudan d’accéder à l’indépendance, en 1956. Les frontières restent alors les mêmes. Mais les Égyptiens font progressivement entendre leur mécontentement vis-à -vis du découpage des deux triangles.

En effet, le Bir Tawil est dix fois plus petit que son triangle de voisin. Mais surtout, celui de Hala’ib dispose d’un large accès à la mer Rouge, et donc étend la zone maritime du Soudan.

Rejet du Bir Tawil pour revendiquer Hala’ib 

On aurait pu en rester là, mais en 1992, le Soudan décide d’autoriser la prospection d’hydrocarbures dans la zone maritime du triangle de Hala’ib. Et évidemment, c’est à ce moment que l’Égypte décide de revendiquer ce territoire, considérant la frontière de 1899 comme seul tracé légitime. Du côté soudanais, on revendique de manière peu surprenante la frontière tracée en 1902. 

C’est donc de la revendication du triangle de Hala’ib que vient le rejet du triangle de Bir Tawil. Pour les soudannais, c’est un territoire égyptien comme l’indique le tracé de la frontière de 1902. Tandis que pour les Égyptiens, c’est un territoire soudanais si on se réfère à la frontière de 1899. 

Au-delà d’être une terre sans maîtres, le Bir Tawil est donc une terre rejetée

Et quelle est la situation du triangle voisin ? Source de tensions en conséquence de la revendication des deux pays, le triangle de Hala’ib est occupé par les Égyptiens depuis 1995. Le Soudan a quitté le territoire en 2000, cédant donc le triangle à l’Égypte. Depuis, aucun traité n’est venu entériner cette situation. 

Aujourd’hui, la situation reste sur un statu quo: les deux pays revendiquent le même triangle en rejetant l’autre. Cette situation fait de Bir Tawil l’une des dernières terra nullius de la planète. Fait insolite pour finir: en 2014, un américain du nom de Jeremiah Heaton a tenté de profiter de cette situation pour revendiquer le territoire et s’en proclamer roi. Le Royaume du Soudan Nord est aujourd’hui une micronation reconnue par aucun autre pays du monde. 

Jeremiah Heaton et le drapeau du Royaume du Soudan Nord planté dans le désert du Bir Tawil
Jeremiah Heaton et le drapeau du Royaume du Soudan Nord planté dans le désert du Bir Tawil

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