Les Échecs : la montée en puissance de la Reine

« Les fous sont aux échecs les plus proches des rois » – Introduits en Occident aux alentours du Xe siècle, les échecs sont vite devenus le miroir des rapports humains. Le plateau fut aussi bien comparé à un champ de bataille qu’au théâtre d’une parade amoureuse. Par ailleurs, les aspirations religieuses et politiques des époques ont influencé les règles du jeu. Mais si la dynamique des échecs s’est adaptée aux mentalités, il y a encore de nombreuses connotations symboliques dans l’appréhension de ses pièces et de leur importance. Sans aucun doute, la montée en puissance la plus fulgurante est celle de la reine. En effet, celle-ci n’a pas toujours été la pièce maîtresse du jeu, loin de là. 

Entre stratégie de guerre et jeu érotique

Séduite par sa ressemblance évidente avec l’art militaire, la noblesse s’approprie très vite le jeu des échecs. Jeu d’inspiration martiale, dans la littérature médiévale il illustre les vertus guerrières de grands seigneurs. En effet, souvent au Moyen Âge leur valeur au combat n’a d’égale que leur maîtrise de l’échiquier. De nombreux textes citent l’habilité de personnages épiques grâce à leur connaissance des règles stratégiques du combat. La noblesse se reconnaît dans ces héros en y jouant et elle adore ça. Autant dire que le jeu n’est pas prêt de devenir une distraction accessible au petit peuple. 

Dans le même temps, sous l’influence de l’Eglise, les mœurs s’adoucissent. De nouvelles valeurs morales émergent, les esprits éclairés de l’époque acquièrent de nouvelles qualités. Courtoisie, modestie et contrôle de soi sont alors mis à l’honneur. Miroir de son époque, le jeu n’est plus seulement perçu comme une distraction militaire. Il devient le divertissement d’une élite aristocratique qui, se détourne de la violence et met en avant sa supériorité par ses rites et ses codes. A l’inverse des jeux de dés qui évoquent l’empressement d’une jouissance vulgaire, les échecs reflètent la lenteur et la persévérance

Partie d’échecs coquine au Moyen Âge 

Au Moyen Âge, ils avaient le sens des priorités. Ils associaient les rapport de séduction à des stratégies d’échecs. D’abord perçues comme une douce métaphore de l’amour, les parties deviennent de véritables ébats érotiques, petits coquins… Bien souvent, avec des jeux de mot autour du terme “mat”, les affrontements flattent l’égo de l’amant triomphant.

La reine devient la pièce maîtresse des Échecs

À partir du XIVe siècle, les échecs deviennent le modèle d’un royaume idéal. De nombreux souverains d’Europe y voient l’exemple d’une discipline politique où la raison s’affirme comme le pilier de la justice. L’échiquier est un territoire hiérarchisé et les différentes pièces sont solidaires les unes des autres. À la tête de cet univers miniature trônent le roi et la reine, protégés par leurs chevaliers et entourés des archevêques (les fous et les tours d’aujourd’hui). À ce moment là, les règles ne sont pas celles que nous connaissons. La reine n’a qu’un rôle de défense minime. À l’inverse, le roi peut déplacer dans toutes les directions, d’un seul trait et attaque toujours en ligne droite, fidèle à un comportement qui agit avec droiture, faisant face à la justice. 

URSS : Le champion du monde d’échecs en titre en plein tournoi 

À l’image du souverain et des « États monde », le jeu d’échecs propose une vision juste d’une société harmonieuse où chacun y trouve sa place selon son rang social. Il faudra attendre l’avènement de grandes reines telles que Élisabeth d’Angleterre ou Isabelle de Castille, pour que la reine devienne la pièce maîtresse de l’échiquier. Petit à petit, les stratégies se diversifient. On se lasse de ces affrontements monotones et sans nuance. On sacrifie bêtement les pions pour atteindre le roi et le mater. La reine gagne en mobilité et devient finalement la pièce maîtresse de l’échiquier.

Champs de bataille, parade érotique, illustration des valeurs morales et émancipation de la femme, le plateau d’échec traverse les époques et évolue indéniablement au gré des sociétés. Durant la guerre froide, il deviendra même un outil de soft power où L’URSS et les États Unis s’entêtent à former les meilleurs joueurs d’échecs pour affirmer leur domination intellectuelle respective au cours des grands tournois. Aujourd’hui, les enjeux des échecs sont encore une fois déplacés

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