Les Bouillons : une tradition culinaire populaire au cœur de Paris

Si vous êtes amateur de cuisine française, vous avez probablement déjà fréquenté des bouillons. Mais connaissez-vous l’histoire fascinante de ces établissements parisiens emblématiques ? Leur origine remonte aux années 1860, grâce à l’ingéniosité d’un boucher astucieux nommé Pierre-Louis Duval.

Les débuts bouillonnants de l’aventure

Tout commence vers 1860. Pierre-Louis Duval, confronté à l’écoulement difficile des morceaux de viande moins nobles, eut une idée révolutionnaire : ouvrir un restaurant destiné aux ouvriers des Halles. Dans ce nouvel établissement, les prix seraient bas, les repas copieux et les portions généreuses. Il concocta alors un ragoût de bœuf mijoté dans un bouillon, donnant ainsi son nom au lieu. Cette initiative ne visait pas seulement à résoudre un problème logistique et économique, mais aussi à rendre la viande accessible à une population plus large, souvent privée de ces plaisirs gastronomiques.

Duval fut donc le premier à Paris à créer un établissement gérant tous les aspects de la restauration, de l’approvisionnement à la consommation, pour réduire les coûts. Avec lui, pas de gâchis, que des économies. Cette méthode novatrice lui permit de proposer des repas à des prix défiant toute concurrence (moins de 2 francs), attirant rapidement une clientèle fidèle. Ainsi, il connut rapidement un grand succès et en quelques années, les bouillons se multiplièrent. En 1900, on comptait près de 250 bouillons à Paris.

Illustration en noir et blanc d'un des bouillons Duval du XIXe siècle, montrant des clients en vêtements d'époque, une serveuse en uniforme et une ambiance animée avec des détails architecturaux typiques.
Illustration en noir et blanc d’un Bouillon Duval du XIXe siècle.

Les difficultés des premiers bouillons

Face à la réussite des Bouillons-Duval, des concurrents se lancent aussi dans la restauration pas chère et semi-gastronomique. Le fils de Pierre-Louis Duval, Alexandre, a dû faire face à l’arrivée du Bouillon Chartier à partir de 1896. Créé par les frères Camille et Frédéric Chartier, ce nouvel établissement, ouvert au 7 rue du Faubourg Montmartre à Paris, reprenait la formule gagnante des bouillons Duval. Ils servaient une cuisine française traditionnelle servie dans un cadre populaire, mais à des prix encore plus abordables.

Avec son décor art nouveau et son service efficace, le Bouillon Chartier connut rapidement un vif succès qui éclipsa les bouillons Duval. En 1903, les Chartier ouvrirent même une deuxième adresse vers Montparnasse pour répondre à la demande. Ainsi, bien qu’initiateur du concept, Alexandre Duval vit son entreprise familiale dépassée par la rude concurrence du Bouillon Chartier. Ce dernier devint alors la nouvelle référence des bouillons parisiens au début du XXème siècle.

Face à cette concurrence féroce, la plupart des autres bouillons disparurent progressivement dans les premières décennies du XXème siècle. Le Bouillon Chartier reste donc le principal survivant du concept original.

Intérieur d'un des bouillons Chartier historique avec des décorations Art Nouveau, incluant des miroirs ornés de boiseries, des carreaux de faïence colorés, un plafond en vitrail et des tables dressées avec des nappes roses et blanches.
Intérieur du Bouillon Chartier de Montparnasse avec des décorations Art Nouveau.

Et maintenant ?

Après avoir presque disparu au XXème siècle, le concept des bouillons parisiens connaît un regain depuis quelques années. Environ une dizaine de nouveaux bouillons ont ouvert à Paris depuis 2017, reprenant les codes des établissements historiques comme le Bouillon Chartier.

Ces nouveaux bouillons recréent l’ambiance des bouillons d’antan, avec de grandes salles au décor art nouveau, des banquettes en cuir rouge, des chaises Thonet et des plafonds verriers. L’objectif est de replonger dans le Paris populaire du XIXème siècle. Le Bouillon Pigalle, ouvert en 2017, compte par exemple 300 couverts sur deux niveaux dans un cadre rétro 1900. Son petit frère le Bouillon République, ouvert en 2021, peut accueillir jusqu’à 400 couverts. 

Comme leurs ancêtres, ces bouillons modernes proposent une cuisine française traditionnelle et généreuse à des prix très abordables. Par exemple, des œufs mayonnaise autour de 2€, plats comme bœuf bourguignon ou blanquette à 10€, desserts maison à 2,80€. Le Bouillon Pigalle a même remporté le prix du meilleur œuf mayonnaise au monde en 2019. Cette cuisine populaire de qualité fait le succès de ces nouveaux bouillons auprès des Parisiens comme des touristes.

Ainsi, les bouillons sont, à l’origine, des espaces de restauration populaires, destinés aux ouvriers de la capitale. Aujourd’hui, en revisitant leur riche histoire et en modernisant leur concept, les bouillons parisiens continuent de séduire par leur ambiance authentique et leurs plats traditionnels, incarnant ainsi l’âme culinaire de Paris.

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