Vous connaissez sûrement Mike Horn. Vous vous souvenez peut-être de Bear Grylls. Au cinéma, vous avez sûrement déjà vu Indiana Jones ou Lara Croft. Mais connaissez-vous Peter Freuchen ? Explorateur danois, médecin, journaliste, écrivain, cinéaste, résistant.. Peter Freuchen possède l’un des CV les plus incroyables du XXe siècle. Des glaciers du Groenland, jusqu’à la résistance face aux nazis, de sa prison de glace, jusqu’à la cérémonie des Oscars, découvrez le destin étonnant de l’aventurier le plus “badass” de tous les temps !
Peter Freuchen: Une enfance à rêver d’aventures
Lorenz Peter Elfred Freuchen est né le 20 février 1886 au Danemark. Dès son enfance, Freuchen développe un goût particulier pour l’aventure, notamment grâce à sa mère. Excellente conteuse, elle racontait souvent des histoires à ses sept enfants, en s’inspirant notamment des aventures de son propre père qui était marin et qui avait participé à de grands voyages jusqu’en Amérique du Sud.
Son oncle participe également à influencer le jeune Freuchen. Ancien chercheur d’or en Australie, lui aussi racontait ses aventures extraordinaires. À travers ces histoires, le jeune danois développe un intérêt prononcé pour les sciences, ce qui le pousse plus tard à se lancer dans des études de médecine. Sauf que très vite, Freuchen comprend qu’il ne veut pas d’une vie assis derrière un bureau ou d’une carrière médicale tranquille. Pendant ses études, Freuchen entend parler de Ludvig Mylius-Erichsen, un explorateur danois qui participe à des expéditions au Groenland.
Après avoir obtenu son diplôme de médecine, Peter Freuchen se lie d’amitié avec Knud Rasmussen, un autre explorateur danois qui travaille avec Erichsen ! Les deux hommes vont alors accepter d’emmener avec eux le jeune Freuchen dans leur prochaine expédition.
C’est donc en 1906 que Peter Freuchen embarque, avec son ami Knud Rasmussen, pour sa première aventure. L’expédition a pour but d’explorer et de cartographier les derniers territoires inconnus du Groenland. Mais l’exploration sur terre va prendre un tournant tragique. Ludvig Mylius-Erichsen y meurt lors d’un trek avec trois autres membres de l’expédition.
Les premières expéditions au Groenland
Finalement, l’expédition n’est pas un échec. Les survivants, dont Freuchen, rentrent au Danemark en héros. Cette première aventure ne freine pas les ambitions de Peter. Dès 1910, le duo Freuchen Rasmussen décide de partir encore plus au nord dans une nouvelle expédition. Cette fois, l’objectif est de construire le comptoir de commerce le plus au nord du monde. C’est aussi un moyen de renforcer les liens avec les Inuits, désireux d’échanger des fourrures contre des outils. Le comptoir de Thulé est donc construit.
Et Peter Freuchen s’y plaît à Thulé ! Au point d’épouser une inuite avec qui il aura deux enfants, dont personne n’a jamais réussi à prononcer le nom : Mequsaq Avataq Igimaqssusuktoranguapaluk, et Pipaluk Jette Tukuminguaq Kasaluk Palika Hager.
Thulé devient la station de base pour une série de sept expéditions, entre 1912 et 1933. Freuchen mène, par exemple, une expédition de 1000 kilomètres pour prouver au monde que le Groenland et le Pôle Nord ne sont pas séparés par une rivière comme on le croyait à l’époque. C’est cette recherche de la “Terre de Peary” qui coûta la vie à Ludvig Erichsen quelques années plus tôt.
Cette aventure, qui faillit tuer Peter Freuchen et Knud Rasmussen, sera finalement saluée comme l’une des explorations les plus audacieuses jamais entreprises à cette époque. Malgré sa renommée grandissante après cet exploit, Peter Freuchen reste vivre au Groenland pendant plus de 10 ans. Mais le décès de sa femme en 1921 pousse finalement le danois à rentrer à Copenhague.
Il écrit alors son premier livre. Grosso modo, comment tuer des loups à mains nues et survivre en solitaire quand il fait -30°C toute l’année. En 1924, Freuchen épouse une millionnaire danoise et devient rédacteur-chef pour le journal de son beau-père.
Peter Freuchen l’infatigable
L’appel de l’aventure est finalement plus fort que ça. Dès 1926, Peter Freuchen repart pour une nouvelle expédition dans le Grand Nord. Cette fois, le but n’est pas d’explorer ou de cartographier, mais d’étudier le peuple inuit et de tenter de déterminer les origines de leur culture et de leur langue. Il part donc avec un équipage pour l’Arctique canadien.
Bien que cette expédition fut un succès, elle s’est une nouvelle fois avérée extrêmement difficile. Alors que Freuchen se confronte à une tempête de neige intense, il se retrouve séparé du groupe qui l’accompagnait. Le danois trouve alors refuge dans une crevasse étroite qu’il ferme à l’aide de son traîneau. Après des heures de tempête, Freuchen est complètement prisonnier sous un tombeau de glace. L’aventurier tente alors de se dégager à mains nues, cognant sur les parois avec ses poings. Mais rien à faire, sans outils, il lui est impossible de se dégager.
Accrochez-vous, c’est maintenant que ça commence ! Peter Freuchen va alors s’appuyer sur la seule ressource qu’il a à sa disposition pour s’en faire des outils. L’aventurier a donc utilisé.. ses propres excréments ! En effet, il racontera plus tard dans ses livres qu’il s’était aperçu que les excréments des chiens, congelés par le froid polaire, pouvaient devenir aussi durs que de la roche. Aussi improbable que cela puisse paraître, c’est bien de cette façon que le danois pût s’échapper de sa crevasse gelée.
Mais le supplice ne s’arrête pas là ! Une fois dégagé, Peter Freuchen se rend compte que ses orteils sont gangrénés par le froid. Impossible pour lui de marcher pour rentrer jusqu’au camp de base. Mais pas de soucis, quand on est badass, il suffit de ramper. Après avoir rampé pendant plus de trois heures, Freuchen parvient à rentrer au camp. Et ce n’est pas fini.. Maintenant en sécurité, Freuchen tente de soigner la gangrène qui a atteint sa jambe. Les traitements des Inuits n’y faisant rien, l’aventurier décide d’y remédier à sa façon. A l’aide d’une cisaille et d’un marteau, il s’ampute les orteils lui-même. Le tout sans anesthésie, évidemment.
La vie après l’Arctique
Malheureusement, cette amputation à la cisaille ne put le sauver de la gangrène. Elle était trop importante et Freuchen dû se faire amputer une partie de la jambe. Avec ces nouvelles conditions, l’exploration était devenue impossible. Il rentre donc au Danemark en 1933, et recommence à écrire ses aventures.
Freuchen acquiert alors un immense succès avec plus de 30 romans. Ses écrits vont même l’emmener jusqu’à une carrière dans le cinéma. Il est d’abord employé comme consultant spécialiste du monde arctique, puis comme scénariste pour des films du studio Metro-Goldwyn-Mayer. Il est par exemple scénariste et acteur du film Eskimo, sorti en 1933 et oscarisé. Lors de la tournée promotionnelle en Allemagne pour le film, Freuchen s’est amusé à faire tournoyer, au-dessus de sa tête, la réalisatrice nazie Leni Reifenstahl, la préférée d’Hitler.
Car oui, Freuchen détestait le nazisme et très vite il gagne la résistance danoise. Dès 1940, le Danemark se retrouve occupé par les Allemands. Freuchen, handicapé à cause de son amputation, s’implique malgré tout dans la résistance. Il participe par exemple à des missions de sabotage, ou aide des réfugiés à fuir le nazisme. Il est même arrêté deux fois par la Gestapo, battu, torturé, et envoyé dans un camp de travail où il devait être exécuté.
Mais Peter Freuchen est définitivement badass. Avec l’aide de complices, il parvient à s’échapper du camp, et trouve refuge en Suède. En 1945, l’Allemagne nazie tombe, Freuchen peut donc prendre sa retraite la conscience tranquille. Il part s’installer à New York où il épouse sa troisième femme. Il écrit des dizaines de livres, donne des conférences, et travaille même pour les Nations-Unies.
Peter Freuchen meurt d’une crise cardiaque le 2 août 1957 à 71 ans. Ses cendres sont dispersées à Thulé, au Groenland, lieu qui a façonné l’un des aventuriers les plus courageux et téméraires du monde. Une conclusion logique pour cet homme qui consacra tant d’années à ce territoire et à sa population. Peter Freuchen aurait sans doute été fier de son petit-fils Peter Ittinuar qui, en 1979, devint le premier inuit à devenir membre du parlement canadien. Comme quoi, le courage peut être une affaire de famille !