Tour Eiffel: Quels sont les projets qui ont tenté de la concurrencer ?

Eux aussi ont voulu atteindre le ciel ! Dès la fin du XVIIIe siècle, ingénieurs et architectes tentent de briser la limite des 1 000 pieds (300 mètres de haut). Malgré l’audace des projets, les résultats restent mitigés. Mais les progrès de la révolution industrielle et la diffusion de nouveaux matériaux de construction comme l’acier et le fer changent la donne. Les ingénieurs du monde entier se mettent à rêver de la tour de Babel. Une véritable course à la hauteur se met en place. L’histoire de la tour Eiffel regorge de faits insolites, mais connaissez-vous les projets qui auraient pu prendre la place de la Dame de Fer ? 

Avant la tour Eiffel: Le rêve des 1000 pieds

Avant que la tour Eiffel n’atteigne les 1 000 pieds, un certain nombre de projets avaient failli voir le jour. Les premiers à vraiment tenter de relever ce défi de taille, ce sont les Anglais.

Richard Trevithick est un inventeur anglais célèbre notamment pour être à l’origine d’une des premières locomotives à vapeur, et de l’ancêtre de l’automobile, la Puffing Devil. En 1832, Trevithick imagine une immense colonne en fonte ajourée en forme de cône. Cette “tour de la Réforme”, en référence à la réforme électorale anglaise de 1832, affiche des mensurations de 30 mètres de diamètre à la base, 3,60 mètres au sommet, et évidemment, une hauteur de 1 000 pieds.

Un système d’ascenseur assez original est même imaginé pour l’occasion. Des coussins d’air, actionnés par la vapeur, devaient propulser les visiteurs jusqu’au sommet. Malheureusement, la mort brutale de Richard Trevithick en 1833 enterre ce projet audacieux. 

La tour de la Réforme, comparée à la taille de la Cathédrale Saint Paul et à la pyramide de Gizeh
La tour de la Réforme, comparée à la taille de la Cathédrale Saint Paul et à la pyramide de Gizeh

En 1874, un nouveau projet ambitionne d’atteindre les 1 000 pieds. En 1876, l’Exposition universelle se tiendra à Philadelphie pour célébrer le centenaire de la Déclaration d’indépendance des États-Unis. Et le projet de la “tour du Centenaire” fait parler de lui. Conçue sur plan par des ingénieurs américains de la Clarke and Reeves Company, cette tour est présentée en détail dans une revue scientifique en 1874. 

Et ce projet se veut ambitieux ! En forme de pylône cylindrique, la tour se maintient par des haubans métalliques rattachés à une base circulaire. Son diamètre est de 45 mètres à la base. Un ascenseur est même prévu pour monter en trois minutes et descendre en cinq, jusqu’à 500 personnes par heure. Des escaliers en spirale entourent un tube central. En dépit de l’intérêt de ce projet, et de sa faisabilité, il ne sera finalement jamais réalisé. En cause, la Grande Dépression, une grave crise financière partie d’Europe en 1873, et qui atteint aussi les Etats-Unis. Sans subvention, la tenue d’un tel chantier est impossible. 

The Centennial Tower
The Centennial Tower, un projet qui influencera celui de la tour Eiffel

Mais un certain Gustave Eiffel s’inspirera de ce projet pour l’Exposition universelle de 1889, qui célèbre elle aussi un centenaire. Cette fois celui de la Révolution française. 

La tour Soleil: Un immense phare à la place de la tour Eiffel

Amédée Sébillot était un ingénieur français spécialisé en électricité. En voyage aux États-Unis, il découvre l’intérêt des puissantes lampes à arc utilisées pour l’éclairage urbain. Sébillot imagine alors une “tour Soleil”. Décidé à mettre toutes les chances de son côté, il s’associe avec Jules Bourdais et Gabriel Davioud, ingénieur et architecte de renom, notamment à l’origine du palais du Trocadéro, construit en 1878.

Les deux hommes proposent une tour en granit de 18 mètres de diamètre, entourée de colonnettes en fonte formant des galeries superposées. La base triangulaire de 66 mètres de hauteur, comme les tours de Notre-Dame, est censée abriter un musée de l’électricité

Ce projet assez loufoque avait pour humble ambition d’éclairer tout Paris ! Au sommet, l’idée était de placer un système novateur d’une centaine de lampes à arc électrique, avec des réflecteurs. Le but étant de redistribuer la lumière et d’éclairer la capitale, jusque dans l’intérieur des maisons ! Outre la statue du génie de la Science, le sommet devait également se doter d’une plate-forme pouvant supporter 1000 personnes. Les concepteurs prévoient même que cet accès au sommet “permettra aux malades de faire à grande hauteur des cures aérothérapiques”.

La Tour Soleil, imaginé par Amédée Sébillot.
La Tour Soleil, imaginé par Amédée Sébillot, principale concurrente de la Tour Eiffel

Sébillot et Bourdais considèrent cet édifice comme une œuvre d’art. C’est pourquoi ils proposent la tour Soleil au gouvernement dans le cadre du concours pour l’Exposition universelle. Sur les huit projets de tour proposés, deux font office de favoris : La tour Soleil, et la tour Eiffel.

Finalement, le jury n’a pas été convaincu de la faisabilité d’une aussi lourde construction de granit. On craignait que la tour ne s’effondre sous son propre poids, et que les coûts du chantier soient exorbitants. En revanche, l’idée du phare géant fera son chemin. La tour Eiffel sera, dès sa construction, dotée d’un puissant faisceau visible à 80 km à la ronde. Le projet de Gustave Eiffel fut considéré comme plus sérieux, avec une tour moins lourde. Le fer a battu la pierre.

Les autres concurrents de Gustave Eiffel 

Autre projet présenté au concours de l’Exposition universelle de 1889, celui de Joseph Cassien-Bernard et Francis Nachon figure également parmi les plus remarquables. Reprenant l’idée d’une grande tour métallique, le projet Cassien-Bernard Nachon est très similaire à celui de leur concurrent Gustave Eiffel. Mais ce projet se différencie surtout par son positionnement !

Si le concours avait déjà prévu que l’emplacement de la tour serait sur le Champ-de-Mars, les deux architectes ont préféré aller un peu plus loin, imaginant une tour capable d’enjamber la Seine ! À la manière du Colosse de Rhodes qui enjambait l’entrée du port de la ville, les deux architectes s’inspirent de l’ancienne merveille du monde et imaginent une tour ayant un pied sur chaque rive de la Seine.

Le projet de Joseph Cassien-Bernard et Francis Nachon
Le projet de Joseph Cassien-Bernard et Francis Nachon: Une tour Eiffel qui enjambe la Seine.

En 1889, la tour Eiffel est achevée et présentée lors de l’Exposition universelle. Les 1000 pieds sont atteints, et même dépassés puisque la tour fait 330 mètres de haut. Dès la fin de sa construction, et même si ce n’est pas la taille qui compte, beaucoup d’architectes voulurent faire une tour encore plus grande ! 

Parmi ces projets, on peut citer celui de l’architecte belge Paul Hankar, l’un des fondateurs de l’Art nouveau. Il conçoit avec le peintre et décorateur Adolphe Crespin un projet de “quartier moderne” pour l’Exposition universelle de 1897 à Bruxelles. Ce projet comprend “une grande tour de fer et de verre à base octogonale, flanquée de deux alignements de bâtiments d’un seul niveau, percés de façades de verre rythmées par des cintres”. 

La Tour Art Nouveau imaginée par Paul Hankar et Adolphe Crespin
La tour Art nouveau imaginée par Paul Hankar et Adolphe Crespin

Sans doute destiné à être “le centre du palais des Expositions”, cet ouvrage d’art ne verra jamais le jour. Pas plus que le quartier Art nouveau.

La Watkin’s Tower: Une tour Eiffel.. à Londres !

Mais la vraie concurrence viendra finalement d’Angleterre. Forcément… Edward Watkin, membre du Parlement britannique, voulait doter Londres d’une tour de 358 mètres, soit 46 mètres de plus que notre tour Eiffel. Dans un premier temps, Watkin propose le projet à Gustave Eiffel ! Mais ce dernier décline, déclarant que s’il l’acceptait, les Français “ne croiraient pas que je suis un aussi bon Français que je pense l’être”.

Après un concours, c’est finalement la proposition de l’architecte Benjamin Baker qui gagne, avec un projet de.. grande tour métallique sur quatre pieds.

La construction de la tour commence en 1891, mais s’arrête brusquement alors que le premier étage était atteint. Faute de moyens et d’intérêts pour un monument très peu original, la tour ne sera finalement jamais terminée. Surnommée le “moignon de Londres”, la section de tour existante sera finalement détruite en 1907. Quand on vous dit que ce n’est pas la taille qui compte !

La Tour Watkin.
La tour Watkin comparée à la tour Eiffel.

L’obsession de la hauteur s’est poursuivie même après la construction de la tour Eiffel. Devenue indissociable de l’image de Paris, la Dame de fer préservera son record de plus haute tour du monde jusqu’en 1931 ! L’Empire State Building la dépassera en culminant à 443 mètres de haut. Aujourd’hui, la course à la hauteur continue, et le fantasme de la tour de Babel perdure. L’objectif n’est plus les 1000 pieds, mais les 1000 mètres. Le Burj Khalifa détient encore le record actuel avec 828 mètres de haut. Mais le projet de la tour de Djeddah pourrait bien venir battre ce record et atteindre les 1000 mètres pour la première fois..

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