Qu’est-ce qu’un western ? Un film avec des Cow-Boys dans le grand Ouest Américain bien sûr ! Il fut un temps où les salles obscures étaient dominées par ce genre bien spécifique. Mais saviez-vous qu’une bonne partie des westerns devenus cultes avaient en réalité été intégralement produits en Europe ? Il s’agit des Western Spaghetti !
La naissance du western spaghetti
La conquête de l’Ouest, qui s’étend sur la totalité du XIXe et le début du XXe siècle a longtemps été un matériau fertile pour le cinéma américain : des enjeux de survie dans un monde hostile, des chevaliers servants maniant le colt avec dextérité, le tout filmé dans de grands espaces cinégéniques… Il était donc logique que les grands studios américains fassent du western un décor privilégié de leurs productions, des premiers films muets jusqu’à l’âge d’or d’Hollywood dans les années 1930.
Mais à partir des années 1960, Hollywood connaît quelques difficultés. Les coûts de production augmentent et, illustré par les mouvements civiques ou la contestation de la guerre au Viêt-Nam, la société américaine est en pleine mutation. Les productions les plus ambitieuses des MGM, Paramount ou autres Warner Bros ont de plus en plus de mal à voir la lumière du jour. C’est alors qu’un genre nouveau apparaît outre-atlantique : le Western Spaghetti.
Quand le Western vous dit buongiorno !
Au début des années 1960, le studio romain de Cinecittà, autrefois instrument de propagande, connaît un nouvel essor. Les productions se montent à la chaîne, et les savoir-faire ainsi que les talents américains commencent à affluer en Europe. Une poignée de cinéastes italiens biberonnés aux classiques du genre souhaitent profiter de cette opportunité pour écrire leurs propres westerns : parmi eux, on citera Sergio Corbucci, Sergio Sollima et bien sûr, Sergio Leone.
Les cadres que prennent les films des “Trois Sergios” ont de nombreux points communs avec leurs inspirations : tout d’abord, bien conscients du caractère universel de ces histoires, ils inscrivent ces westerns au cœur de la conquête de l’Ouest, en embauchant quasiment exclusivement des acteurs américains.
C’est ainsi que LE film le plus emblématique du genre, “Le Bon, La Brute et Le Truand” de Sergio Leone prend place en pleine guerre de Sécession et propulse en tête d’affiche un jeune acteur américain : Clint Eastwood. Mais bien sûr, malgré l’attachement à ce contexte, la majorité de ces films se verront tournés en Andalousie dont la ressemblance avec l’Ouest sauvage est frappante.
Les trois films qui constituent la Trilogie du Dollar de Sergio Leone avec Clint Eastwood sont emblématiques de la mouvance du Western Spaghetti. (Sources images – 1 : Allociné, 2 : Posterissim.com , 3 : rts)
Renouveler l’esthétique du western
Alors, si un jour vous vous retrouvez devant un vieux film prenant place durant cette période, comment savoir si celui-ci est à ranger plutôt du côté des classiques hollywoodiens ou des expérimentations italiennes ?
Quelques choix dans la direction artistique pourraient bien vous aiguiller : tout d’abord l’esthétique léchée et les cadres droits des studios américains sont souvent proscrits dans les westerns spaghetti. Les réalisateurs européens aiment trouver des angles et des coupes improbables pour mettre en valeur la puissance du paysage ou la promiscuité d’une pièce. Rien d’étonnant donc à ce que l’on puisse ressentir un film plus vivant et organique, certains réalisateurs mettant un point d’honneur à ce que l’on voie carrément les personnages transpirer, pleurer, ou saigner – pas si courant pour l’époque.
La mise en scène des Western Spaghetti est aussi généralement grandiloquente. Une montée en tension qui se résout dans un duel final, aidée par une musique épique – bien souvent signée par Ennio Morricone.
Comment écrire un Western Spaghetti ?
Du point de vue de l’écriture, les westerns spaghetti dénotent de leurs homologues américains : leurs scénarios sont plus complexes, et les histoires plus ambiguës et humaines. Il s’agit moins de montrer un cow-boy gentleman charismatique remporter les victoires au panache, mais plutôt de mettre en scène des antihéros attachants, dont l’intelligence n’a d’égal que la dextérité colt en main. Et qu’importe si ce n’est pas la justice qui triomphe à la fin.
Cette inversion des valeurs morales, quasi inédite dans le cinéma américain, montre bien une rupture nette malgré les thèmes communs aux films des deux continents. Une inversion qu’Hollywood reprendra plus tard, avec par exemple Martin Scorsese ou Brian De Palma, deux admirateurs notoires de Western Spaghetti dont les héros tiendront plus des criminels que des good guys.
En effet, à la fin des années 1960, le cinéma américain sort de l’impasse avec l’arrivée du “ Nouvel Hollywood ” : des réalisateurs avec plus d’emprise sur leurs films, de l’écriture au montage, et des tournages moins pharaoniques. Autant d’idées apportées par la Nouvelle Vague Européenne, et ses inoubliables Western Spaghettis, dont l’influence est encore palpable aujourd’hui sur le cinéma mondial.