Le Mythe de Sisyphe

Le Mythe de Sisyphe est ambivalent puisqu’il fait référence à deux notions historiques. D’une part, le mythe tire ses racines de la mythologie grecque. D’autre part, Albert Camus réutilise ce mythe dans son roman éponyme, Le Mythe de Sisyphe. Dans les deux références, le mythe s’inscrit dans la notion d’absurdité de la vie.

Sisyphe, un dieu rusé

Dans la mythologie grecque, Sisyphe est le fils d’Éole (petit-fils de Zeus) et d’Énarété. Il est aussi le fondateur mythique de Corinthe, une des plus importantes cités de la Grèce antique

D’après certains récits, Sisyphe est le père d’Ulysse. Ce dernier est le roi d’Ithaque et personnage principal de l’épopée L’Odyssée écrit vraisemblablement par Homère. Sisyphe possédait un beau troupeau dans l’isthme de Corinthe. Autolycos, son voisin, maîtrise l’art de dérober à l’abri des regards. Il avait également le pouvoir de métamorphoser toutes les bêtes qu’il volait. Sisyphe remarqua que ses troupeaux diminuaient tous les jours alors que ceux d’Autolycos augmentaient. Le père d’Ulysse piégea Autolycos afin de l’accuser de vol. Il grava sous le sabot d’un de ses animaux son monogramme. La nuit venue, Autolycos se servit dans son troupeau, comme chaque nuit.

Le lendemain matin, les empreintes des sabots sur la route se révélèrent être une preuve des agissements de Autolycos. Sisyphe fit le tour de la maison, y pénétra et viola la fille d’Autolycos, Anticlée. Enceinte à la suite du viol, elle épousa Laërte puis partit en Béotie, où Ulysse naquit. Ce rapprochement vient certainement du fait que les deux personnages symbolisent tous les deux la ruse.

Le récit d’un châtiment absurde

Sisyphe est célèbre pour sa confrontation avec la mort et les dieux grecs. Sisyphe réussit à tromper Thanatos, le dieu de la Mort. Il l’a attaché avec des menottes pour éviter d’être emmené aux Enfers. Ce faisant, il a perturbé l’ordre naturel des choses, empêchant ainsi les gens de mourir. Zeus, dieu suprême de la mythologie grecque, a alors envoyé Arès, dieu de la guerre, libérer Thanatos. Il a ainsi condamné Sisyphe aux Enfers.

Cependant, Sisyphe, ayant préalablement convaincu sa femme de ne pas lui rendre des funérailles dignes de son nom, est parvenu à convaincre Hadès, dieu des Enfers, de le laisser retourner parmi les vivants pour régler cette affaire. Une fois de retour à Corinthe, Sisyphe a refusé de retourner aux Enfers. Les dieux ont alors envoyé Thanatos (ou selon certaines versions, Hermès, messager des dieux) pour le ramener de force. 

Titien (1490- ), Sisyphe, Musée du Prado, Madrid
Titien (1490- ), Sisyphe, Musée du Prado, Madrid

En guise de châtiment pour sa défiance envers les dieux, Sisyphe a été envoyé dans le Tartare, c’est-à-dire l’Enfer dans la mythologie grecque. Comme décrit dans l’Odyssée de Homère, il est condamné à rouler éternellement un rocher jusqu’au sommet d’une colline, pour le voir redescendre chaque fois avant d’atteindre le sommet. Cette punition représente un travail sans fin et futile, symbolisant la lutte constante et infructueuse de Sisyphe pour atteindre un objectif impossible.

Le mythe de Sisyphe : la personnification de l’absurdité

Albert Camus reprend le mythe de Sisyphe dans un essai, publié en 1942. Il fait partie du cycle de l’absurde, avec d’autres œuvres du même auteur comme Caligula (pièce de théâtre, 1944), L’Étranger (roman, 1942) et Le Malentendu (pièce de théâtre, 1944). Dans cet essai, Camus introduit sa philosophie de l’absurde.

Camus qualifie Sisyphe d’ultime héros absurde. Il y établit pourquoi la vie, malgré l’absurdité du destin, vaut la peine d’être vécue : « il n’est guère de passion sans lutte », « il faut imaginer Sisyphe heureux » dit Camus. Selon l’auteur, la vie humaine se fonde sur une paradoxale aspiration vers l’avenir alors que chaque jour nous rapproche inexorablement de la mort, l’ultime adversaire. Les individus semblent souvent ignorer la réalité inéluctable de leur propre mortalité, s’engageant dans des activités et des projets comme si cette certitude n’existait pas. 

Les Éditions de l'EHESS, Albert Camus
Les Éditions de l’EHESS, Albert Camus

Ainsi, le mythe de Sisyphe représente l’absurdité à son paroxysme. D’ailleurs, l’expression « vivre le supplice de Sisyphe » signifie que l’on vit une situation absurde répétitive dont on ne voit jamais la fin ou l’aboutissement.

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