C’est une expression qui revient souvent : le « sentiment » anti-français. En effet, elle pointe un phénomène présent en Afrique francophone, au fur et à mesure que les gouvernements s’effondrent. Burkina Faso, Mali ou encore, Gabon, tous semblent imiter la même mélodie : le rejet de la France au profit de la Russie, qui accorde un soin particulier à conquérir les cœurs, et ce, dès le plus jeune âge.
La géopolitique africaine expliquée à des enfants
Dans un village isolé, plusieurs animaux cultivent tranquillement des légumes, sous l’égide d’un lion. Un jour, des hyènes attaquent la ferme, s’en prennent aux animaux et pillent leurs ressources. Le lion se défend et, à bout de souffle, rugit si fort qu’un ours l’entend depuis sa contrée enneigée. Ne pouvant pas rester indifférent à l’appel d’un ami de longue date, l’ours fait fuir les hyènes et rétablit la paix.
Cette histoire est celle d’un dessin animé, raconté avec une voix enfantine, en anglais et en français, et projeté publiquement en plein air en Centrafrique. Le lion tient le drapeau de la Centrafrique, l’ours de la Russie et les hyènes, de la France et des Etats-Unis. Les crédits mentionnent Lobaye Invest. C’est une société russe d’extraction d’or et de diamants, contrôlée auparavant par Evgueni Prigojine. Cette fiction n’est pas un coup d’essai isolé. Dans un autre dessin animé, la France prend la forme d’un rat, habillé d’une marinière et d’un béret sur la tête, volant de manière répétée les biens d’un homme noir, sauvé par un soldat aux attributs reconnaissables.
Un champ de bataille bien particulier pour la Russie
En jouant sur les symboles associés à chaque animal, la Russie cherche à gagner la bataille de l’opinion. Elle façonne les représentations qu’ont les populations et légitime sa présence. Emprunter les codes de la fiction pour enfant permet de conquérir un large public, tout en rendant son message politique facilement lisible.
Cependant, la Russie n’a rien inventé. Historiquement, ce n’est pas la première fois que l’adhésion des jeunes est gagnée grâce aux dessins animés. Les gouvernements se sont servis, dès les années 1930, à l’aube du deuxième conflit mondial, de l’animation de propagande. Ensuite, ils l’ont fortement utilisée pendant la Guerre Froide. Néanmoins, la France ne l’avait pas vu venir de la part de la Russie.
Ces fictions animées s’ajoutent à une stratégie finement menée pour remporter la guerre de l’information. En effet, ce combat digital s’accélère et s’intensifie, si bien que ces dessins animés deviennent de véritables enjeux géopolitiques. Depuis, Emmanuel Macron a érigé l’influence en priorité stratégique : lui aussi voudrait se mettre les enfants dans la poche.