Danse Macabre - peste noire

La Peste Noire : la pandémie la plus dévastatrice de l’histoire

Avec un bilan estimé entre 100 et 200 millions de morts, la Peste Noire est (de loin) la pandémie la plus dévastatrice de l’histoire de l’humanité. Frappant tour à tour l’Asie, l’Europe et le nord de l’Afrique pendant le XIVe siècle, elle a profondément transformé les sociétés et les connaissances, au point de continuer à faire frémir encore aujourd’hui les épidémiologistes. Mais connaissez-vous réellement cette pandémie ?

(source : "Histoire De France En Cent Tableaux” de Paul Lehugeur, 1880.)
(source : “Histoire De France En Cent Tableaux” de Paul Lehugeur, 1880.)

Qu’est-ce que la Peste Noire ?

Les années 1347 et 1348 voient une épidémie foudroyante de peste frapper les villes d’Europe de l’Ouest. Cette période de deux ans, lors de laquelle presque la moitié de la population du continent meurt, est donc celle que l’on désigne par l’appellation “Peste Noire”.

Ce n’est pas la première fois que la peste se fait connaître. Déjà entre les VI et VIIIe siècles, la peste de Justinien avait ravagé toute la Méditerranée. Grippe, variole, ou syphilis, les populations de l’Europe médiévale ont eu leur lot de malheurs. Et bien que la Peste Noire ait été la plus foudroyante de toutes ces épidémies, elle n’a pas été la dernière, car la peste a sévi régulièrement jusqu’au XXe siècle, avec des épisodes, heureusement, de mieux en mieux contenus. Mais pour véritablement la comprendre, il faudra attendre 1894 afin d’identifier la bactérie responsable de cette catastrophe : Yersinia pestis, découverte par Alexandre Yersin, un bactériologiste franco-suisse qui lui donnera son nom.

Yersinia Pestis, la bactérie responsable de ce malheur (image Domaine public)
Yersinia Pestis, la bactérie responsable de ce malheur (image Domaine public)

Comment la pandémie est-elle apparue ?

Si les populations ont longtemps associé la peste aux rongeurs tels que les rats ou les souris, on ne comprendra que bien des siècles plus tard que la bactérie porteuse de la maladie est en vérité transmise par les piqûres de puces. Les rongeurs n’en sont que des véhicules. Cette transmission donne lieu à la forme la plus commune de la peste : la peste bubonique, tirant son nom de la forme des bubons, infections caractéristiques des ganglions sur la peau du patient.

Mais ce n’est pas sous cette unique forme que cette maladie peut se manifester. On parle de peste pulmonaire lorsqu’un patient dont les poumons infectés transmettent la maladie à un autre. Ou encore de peste septicémique dans les cas – plus rares – d’infection par le sang. Lorsqu’il est infecté par la peste, après une période d’incubation de quelques jours, le malade atteint de la peste bubonique devient fiévreux. Une fièvre si puissante qu’elle en est mortelle dans 50 à 75% des cas.

En temps de peste, la méfiance pousse les populations à la paranoïa. Marchands, médecins, ou même prêtres, tout prétexte est bon pour pointer du doigt son voisin. La faute se voit notamment rejetée sur les juifs, qui seront victimes de pogroms et de massacres. On en vient également à écarter les patients rétablis de la maladie, dont le nom “pestiféré” prendra ce sens de “mis à l’écart du groupe“.

D’autres prétendus “semeurs de peste” se voient pointés du doigt, tels que les lépreux ou les mendiants, ainsi que bien sûr les femmes, que l’on qualifie bien vite de sorcières lorsqu’elles ne se voient pas atteintes de la maladie. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’association du chat à l’image de la sorcière remonte à l’époque de la Peste Noire. En effet, les prétendues sorcières épargnées par la maladie étaient en fait protégées des rats par leurs braves matous.

Quelles conséquences la Peste Noire a-t-elle eu sur l’Histoire ?

Pour soigner la peste, les solutions médicales sont encore rudimentaires. On pratique des saignées, des entailles sur les bubons, ou l’on fait suer les patients, mais sans succès. On se tourne donc naturellement vers la religion… Et les populations n’ont aucun mal à y interpréter le résultat de la colère divine. Face à l’inefficacité des traitements, et pour apaiser cette colère, on introduit de nouveaux rites dans la religion. C’est par exemple le début des pratiques d’auto-flagellation. Celles-ci prendront une place croissante dans la religion catholique.

Économiquement parlant, la peste a aussi eu des effets dévastateurs. La main-d’œuvre paysanne s’est volatilisée, la démographie a chuté, le commerce est au ralenti… Les rois et seigneurs du vieux continent vont pour la première fois avoir recours à l’emprunt. Une pratique semant les graines des crises économiques qui frapperont le continent au XVe siècle.

La peste marque probablement le point de départ de nouvelles façons de penser l’ordre établi. On peut la considérer comme un signe précurseur de l’émergence de la classe bourgeoise, ainsi que de l’achèvement de la féodalité en Europe.

La représentation de la mort devient bien plus fréquente dans l’art (danse macabre tirée des Chroniques de Nuremberg, publié en 1493 par H. Schedel)
La représentation de la mort devient bien plus fréquente dans l’art (danse macabre tirée des Chroniques de Nuremberg, publié en 1493 par H. Schedel)

Dans l’art, la mort et son omniprésence se font ressentir. Le macabre devient un thème récurrent des arts figuratifs. La mort se voit représentée de manière plus crue, dure, et réaliste. Ce changement souligne à quel point la société de l’époque est confrontée à la mort. Puisque les pratiques des rites funéraires se voient impossibles au vu du nombre de victimes, la Peste Noire est aussi le point de départ d’une nouvelle forme d’art funéraire. On y voit apparaître chez les plus riches des tombes individuelles, ornementées telles qu’on les connaît aujourd’hui.

En bref, la Peste Noire a bouleversé la société et la vie du Moyen Âge. Qu’elles soient économiques ou sociales, ces conséquences ne sont pas sans rappeler celles des pandémies qui ont plus récemment frappé l’humanité, comme la grippe espagnole, le SIDA ou bien entendu la COVID-19.

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