Tout ce qu’il faut savoir sur Guernica de Picasso

Une immense toile en teintes de gris représentant un enchevêtrement de corps, d’objets et d’animaux. Les éléments du tableaux s’entremêlent au point de vous faire perdre vos repères… Bien sûr, vous avez reconnu Guernica, l’une des œuvres les plus emblématiques de Pablo Picasso. Mais en connaissez-vous l’histoire ?

Guernica (1937) – Pablo Picasso – Musée National Centre d’art Reina Sofia, Madrid

Picasso au sommet de son art

Vous connaissez forcément le nom de Pablo Picasso. Né à Malaga en 1881, Picasso est l’un des peintres les plus emblématiques du XXe siècle. Fils d’un professeur de peinture, il dédie sa vie entière à l’art, et commence à exposer dès son plus jeune âge. Il développe une connaissance encyclopédique du monde de l’art, et développe un style qui lui est propre.

De ses débuts, avec les périodes bleues et roses, puis son approche unique du cubisme, jusqu’au surréalisme, Picasso n’arrête jamais d’expérimenter. Il crée son propre style, reconnaissable entre mille, et devient l’un des artistes les plus prolifiques de son époque : près de 2000 tableaux, 1300 sculptures et 7000 dessins lui sont attribués aujourd’hui.

Parmi ses créations les plus célèbres, on pourra citer par exemple Les Demoiselles d’Avignon, le portrait de Dora Maar… et bien sûr, Guernica.

Un 26 avril à Guernica

Juillet 1936. Franco, un général fasciste, prend le contrôle d’une partie de l’Espagne. Ce putsch ne se solde pas par un succès complet, car une partie du pays échappe encore à son contrôle. C’est le début d’une guerre civile qui fait rage jusqu’en 1939. Une guerre qui se soldera par l’établissement d’une dictature, jusqu’à sa mort en 1975.

Afin d’établir son régime, Franco s’entoure de soutiens étrangers sympathisants à sa cause. Ravies de se trouver un allié de plus en Europe, l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste se joignent au conflit avec enthousiasme. Hitler, qui a lancé depuis plusieurs années la remilitarisation du pays, souhaite tester ses armées sur un véritable terrain d’opération. Une sorte de grande répétition générale, avant le déclenchement de la 2nde Guerre Mondiale 3 ans plus tard.

Guernica en ruines après le bombardement – image libre de droits

C’est ainsi que le 26 avril 1937, 44 avions allemands et 13 italiens attaquent le village de Guernica, au pays basque. Le choix de bombarder cette cité n’est pas un hasard. Bien que dépourvue de valeur stratégique, la ville a une valeur symbolique : depuis le moyen-âge, une tradition veut que les rois de Castille viennent prêter serment sous l’arbre de Gernika, où ils s’engagent à protéger l’autonomie basque. Le symbole d’une autonomie régionale, d’un particularisme que Franco souhaite à tout prix gommer.

Pendant 2h30, les avions tapissent Guernica de bombes incendiaires, et mitraillent les civils dans les rues. Ce raid aérien tue probablement plusieurs milliers de personnes, et réduit la ville à l’état de ruine. Ce n’est pas la première fois qu’un massacre est perpétré sur une population civile. Mais celui de Guernica aura un retentissement particulier pour la communauté internationale, car il annonce une nouvelle façon de faire la guerre.

Un tableau démesuré

“Je ne fais pas de politique”. C’est par ces mots que Pablo Picasso aurait répondu à la requête du gouvernement républicain Espagnol. Celui-ci souhaitait engager le peintre pour habiller son pavillon lors de l’Exposition Universelle de Paris, prévue en 1937. Mais après avoir découvert l’horreur du massacre de Guernica, Picasso ne peut rester de marbre : il se décide à exprimer sur sa toile toute l’horreur qu’il ressent.

Résultat : en trois semaines seulement, le peintre achève une immense toile de presque 8 mètres sur 3,5. Après plusieurs couches d’enduit blanc réfléchissant, le peintre utilise des peintures noires pour bâtiment, dans le but d’avoir des nuances sombres parfaitement mates. Un travail si rapidement exécuté, que certains coins du tableaux nous montrent encore quelques défauts ou oublis.

Le choix du noir et blanc n’est pas anodin : il symbolise la dualité, l’affrontement, la lumière de l’intellect face à l’obscurantisme fasciste. Mais pas seulement. En 1937, l’actualité se vit en noir et blanc – qu’il s’agisse d’une page de journal, d’une photo ou bien d’une bobine de film. Picasso, exilé en France, voit lui aussi ce conflit de loin, en noir et blanc.

Guernica, l’art comme arme de Guerre

La guerre n’est que souffrance, et la souffrance est universelle : c’est probablement le message que Picasso souhaite faire passer avec Guernica. Si le titre ne laisse aucun doute sur l’événement qu’il souhaite traiter, il n’y a à proprement parler aucune référence explicite au bombardement sur le tableau. Un grand chaos, des êtres mutilés, des animaux souffrants et déformés… Picasso a créé une scène évoquant la guerre dans son ensemble, et le chaos qui en découle.

Pour la composition de son tableau, Picasso choisit de s’inspirer de triptyques chrétiens – une référence identifiable à la forme triangulaire que la lumière prend la composition en son centre. Picasso est un amateur du travail de Rubens, qui peint exactement 300 ans plus tôt Les Conséquences de la Guerre, un grand tableau mythologique et allégorique. Les compositions se ressemblent en de nombreux points. Par exemple, une femme pleurant son enfant mort, une torche brandie qui devient ici une lampe à pétrole, les deux bras levés au ciel…

Les Conséquences de la Guerre (1637) – Pierre Paul Rubens – Libre de Droits

A l’Exposition Universelle de 1937, l’accueil de Guernica se veut mitigé. Il est exposé, mais jugé trop avant-gardiste pour le gouvernement espagnol, qui souhaitait envoyer un message plus clair au monde. Picasso veillera sur le tableau jusqu’à sa mort, l’envoyant au MoMa de New York pendant une quarantaine d’années.

Conformément aux dernières volontés de Picasso, le tableau ne met pas le pied en Espagne tant que les libertés publiques n’y sont pas rétablies. C’est chose faite en 1981, puisque la dictature franquiste prend fin en 1975 – seulement 2 ans après la mort de Picasso. Le tableau prend ses quartiers définitifs au musée national Reina Sofia, où il trône au cœur de l’une des plus grandes collections d’art moderne au monde.

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